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TREK A LAPRAK 2003

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Une journée d'Odile
25 avril
Ce matin-là, je me suis levée de bonne heure. Est-ce la conscience
que je vivais ma dernière journée de randonnée qui m'a réveillée avant l'aube ? l'envie de profiter du dernier lever du jour en montagne avant de retrouver l'agitation de Katmandu ? C'est surtout le chant d'un oiseau qui m'a tirée
du sommeil, un chant que je n'avais encore jamais entendu.
Vous vous souvenez ? ça faisait comme ça : tui, tui, tui, tui, 4 temps rapides comme des doubles croches séparées par une tierce et une quinte.
Intriguée, je tentais de le solfier mentalement du fond de mon sac
de couchage. Mais, voilà, je ne dormais plus. Bernadette non plus, d'ailleurs.
Elle aussi écoutait ; elle a sorti son magnétophone de fortune et a enregistré la symphonie pastorale de ce vendredi matin. Dehors, tout le monde dormait, sherpas, porteurs, trekkeurs, pas un bruit… J'ai sorti mon cahier de voyage, mon scotch et ai commencé à trier ma récolte de végétaux de la veille.
Soudain, deux enfants sont apparus et se sont assis à la népalaise à côté
de moi. A l'évidence, ils étaient intrigués par ce truc qui collait et que
je déchirais avec les dents. Ils me souriaient, je leur ai donné à chacun
un morceau de scotch qu'ils ont collé à leur index et se sont envolés comme des moineaux. Puis, deux porteurs se sont levés et se sont accroupis près
de moi. Toujours sans un mot et avec un large sourire, ils m'ont regardée
un moment coller mes bouts de fougères. L'un d'eux, m'a pris le cahier
des mains puis l'a effeuillé, page après page.
D'après la largeur de son sourire, j'ai pensé que c'était le rhododendron rouge qui emportait sa préférence. Voir une rosace de pétales collée dans un cahier était pour lui aussi insolite que pour moi d'entendre un Népalais se racler
la gorge et cracher sans vergogne.7h30. En route pour Gorka.
Les tentes pliées, le camp s'est vidé peu à peu. On est parti, sac au dos, délestés d'une partie de nos affaires personnelles que nous avons laissée
à l'équipe de trekking. Manque de bol, mon vieux jogging qui a fait tous
mes déménagements depuis 15 ans, a atterri, après tirage au sort, entre
les mains de Saïla, le plus élégant des guides népalais.
" La route est longue, longue, longue, marche sans jamais t'arrêter, la route
est dure, dure, dure… " Tiens, Bernadette, on ne l'a pas chantée, celle-là !
On a traversé des villages, croisé des hommes et des femmes, tous plus beaux les uns que les autres. Comment font-elles, ces jeunes népalaises, pour être si bien mises à toute heure de la journée ?
Leurs tissus colorés tombent à la perfection sur leurs épaules et leurs hanches comme si elles sortaient d'un placard. Pourtant, elles aussi marchent sur les sentiers de terre rouge et ocre, elles aussi peinent et suent…
A moins, peut-être, qu'elle ne peinent pas et ne suent pas. 
 
On demandera à Iman. Et ces hommes, pressés de bon matin, qui traversent la campagne avec une sorte d'attaché-case à la main ? où vont-ils ? les enfants, eux, me sont plus familiers. Ils jouent aux billes, au ballon
et même au cerceau comme dans les tableaux impressionnistes du début
du siècle. Michel dirait, comme en Afrique. Tiens, il pleut ! Une pluie fine
s'est mise à nous arroser le visage. J'ai sorti le parapluie de Suku.
Et hop ! un petit coin de paradis… Je ne l'ai pas ratée, celle-là, Bernadette !
10h30. Les premiers sont arrivés à la pause déjeuner.
Franchement, 2h30 de marche, ridicule ! Même pas digne d'une étape
de trekking népalais ! Petit roupillon pour les uns et les autres, à tour de rôle
sur la bâche bleue.
Pendant ce temps, les porteurs ont préparé leur dal-bat quotidien.
Répartis par groupes de deux ou trois, ils se sont fait leur tambouille avec une étonnante efficacité. En deux temps trois mouvements, le feu était allumé, la marmite bouillait et le riz et les lentilles cuisaient.
Nous, les blancs, à côté d'eux, on se sentait vraiment blanc.
Assis sur la bâche, on sirotait notre citronnade chaude et on se régalait
des champignons frits fraîchement cueillis, des morceaux de poulets
au curry… On se payait même le luxe de refuser une deuxième assiette, " thank you, merci, très, très bon ". Iman nous a rassuré, le repas n'est jamais perdu pour tout le monde. Ouf ! adieu culpabilité. 12h. " Zonzon " - on y va, en version originale gurung - direction Gorka, dernière ligne droite avant
le retour en bus à Katmandu vers 13h.
L'après-midi, ma foi, j'abrège : du monde, des klaxons, des voitures,
des camions kitsch comme on les aime, et la trouille au ventre.
Notre chauffeur prenait les virages à plus de 100 km/h…
Même Iman était concentré ! Et puis, l'arrivée à Katmandu, tristounette,
sous un crachin à la londonienne, à l'image de mon état intérieur.
Perdue dans mes pensées, je regardais défiler par la vitre les pousse-pousse, les voitures, les vélos, les enseignes, les pancartes, les publicités, les bus, etc.
Soudain, le choc. Mon regard s'est arrêté net sur un grand panneau vert. Dessus était inscrit en lettres capitales jaunes " BELIEVE IN THE BEST ".
Nom d'une pipe ! C'est Shiva qui se manifeste ! Believe in the best ! Finalement, on a bien fait de rentrer à Katmandu.
Mais, voilà, difficile de s'improviser hindoue. La question immédiatement
m'est venue : what is the best ? Dans le brouhaha de la ville, la question
n'a pas longtemps mordu à l'hameçon du mental. The best is the best, non ?

Odile


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