8 avril
A Orly, l’embarquement sur un DC10 de la compagnie Biman (Bengladesh Airlines) est prévu pour 19h 35.Attente à l’enregistrement de 16h à 17h 45 :
la patience commence à s’émousser…
Formalités puis embarquement à 18h. Décollage satisfaisant.
Menu du dîner : poulet et légumes à la sauce indienne
(bien épicée), semoule aux amandes.
Sommeil aléatoire…

9 avril
Réveil par l’hôtesse vers 3h 30. Il fait jour.
Petit déjeuner à 4h : fruits coupés, omelette, poisson pané, croissant, beurre et confiture, boisson (eau, thé ou café) – menu à déguster dans l’ordre ou le désordre … mais avaler du poisson de si bon matin n’est guère dans nos habitudes. Vers 4h30, l’avion commence à longer l’Himalaya :
vue superbe des sommets enneigés émergeant de la brume Atterrissage
à Dacca en deux temps (le pilote est peut-être un stagiaire…).
Nous quittons l’avion au son insolite d’une bourrée (indienne ?...).
Il est 5h 45 à nos montres, c’est-à-dire 9h 45 heure locale. La température
est de 28°C. Longue attente à l’aéroport – transit – échange provisoire
des billets d’avion contre des jetons casse-croûte pour déjeuner
au restaurant. N.B. : Ayant perdu le jeton sacré du groupe dont il avait
la (lourde) charge, Bernard a failli priver ses coéquipiers du repas prévu, mais surtout du séjour au Népal (l’échange inverse devenant impossible…). On s’en souviendra!
Au menu bengladesh (voire bengla-dèche) : sandwich indéterminé, pomme et verre de coca. Scène locale : un groupe de pèlerins musulmans
fait la queue et se chamaille au bureau de transit.
Sur l’aire d’atterrissage, travaux de fourmis sous un soleil de plomb
pour construire une dalle de la piste. Les fourmis, dont la moitié sont
des ouvrières, sont dirigées par un chef assis sous un parasol. Moralité :
Il vaut mieux être chef que fourmi. Nous rejoignons notre avion Airbus A310
par un car brinquebalant au chauffeur invisible.
Départ à 13h 15 au son d’une musique orientale.
Incident du voyage : par suite d’un abus immodéré de coca (sans doute fortement alcoolisé), Catherine envoie un demi litre de jus d’orange
sur le sari de l’hôtesse. Inquiétude : Dans le laïus du commandant de bord, Colette croit reconnaître l’expression " Inch Allah ! " Ses voisins l’entendent alors claquer des dents…Décollage impeccable. Vol sans histoire.
Atterrissage en douceur à Katmandou. Il est 15h heure locale. Température clémente. Accueil par Sunar et son équipe. Récupération excessive
de nos bagages (une anglaise inconsciente ayant noué à sa valise le même ruban rouge que nous) Transport à l’hôtel Manaslu dans deux minibus,
à travers un dédale de rues étroites, cahotiques, encombrées et animées. Chacun prend possession de sa chambre, la douche est bienvenue.
Rassemblement à 17h 15 pour une visite sommaire du centre ville commentée par Christian : Durbar Square et ses temples, le Palais Royal,
la demeure de la déesse vivante Kumari –cul-Marie pour San-Antonio
(elle n’a d’ailleurs pas voulu montrer son …nez). Parcours nocturne
du combattant dans un labyrinthe de ruelles, à la recherche d’un restaurant hypothétique. Christian profite de la nuit (les rues sont très faiblement éclairées) pour nous perdre. Il parvient à nous fausser compagnie pendant un quart d’heure, mais notre guide népalais veille sur son troupeau
et ne s’en laisse pas compter (ou plutôt compter car le nombre
de ses brebis lui apparaît fluctuant…). Son flair inné lui permet de regrouper ses ouailles au resto. Longue heure d’attente devant de grandes chopes de San Miguel (une excellente bière, népalaise ?), et c’est la dégustation du menu népalais : non vegetarian set-meal (above vegetarian set-meal plus chicken curry) à 170 roupies puis yaourt népalais aux fruits, en dessert.
Les crudités sont boudées par la plupart des convives (attention
à la tourista !), mais le reste est très apprécié.
Retour folklorique à l’hôtel
en rickshaw (vélo pousse-pousse). A 10h 30, tout le monde est rentré
au bercail Manaslu pour une première nuit népalaise…
Henri et Colette.

10 avril
Nous nous réveillons vers 7h 30 : le temps est superbe et nous apercevons la chaîne himalayenne. Après un petit déjeuner anglais, nous nous retrouvons tous réunis dans les jardins de l’hôtel pour la traditionnelle photo de groupe. Ensuite a lieu le départ en minibus pour la visite de Katmandou. Nous nous rendons d’abord à Bodhnath. La route est défoncée, poussiéreuse, encombrée de camions, cars, motos, vélos, vaches devant lesquelles le car s’arrête (an Népal, tuer une vache est aussi grave que tuer un homme). A vive allure, notre bus slalome dans les rues de la capitale ;
le conducteur klaxonne en permanence : c’est stressant, mais on finit
par s’habituer. Nous arrivons à Bodhnath et admirons le plus grand stûpa d’Asie, en forme de " mandala " décoré de multiples drapeaux de prières
qui flottent au vent. Le stûpa est surmonté d’une flèche composée
de 13 cercles de métal doré représentant les 13 degrés de la connaissance. Sa base est décorée sur les quatre côtés de grands yeux de couleurs vives : ce regard semble nous fixer… C’est celui de Bouddha qui voit tout,
ou plutôt, celui de notre conscience à laquelle rien n’échappe ;
il suit la circumambulation des moines et des fidèles qui tournent autour
du stûpa dans le sens des aiguilles d’une montre. Ce stûpa est vraiment majestueusement isolé au milieu d’une enceinte d’où partent plusieurs plates-formes étagées. A la base, des niches sont pratiquées et dans chacune d’elles se trouve un moulin à prières que l’on fait tourner à la main. Ces moulins contiennent des rouleaux de feuilles de papier sur lesquelles sont imprimées des prières. Autour du stûpa se trouvent six gampas (monastères tibétains). Dans le gampa Sakya-pa, une impressionnante statue représente Bouddha assis à l’européenne et non dans la position
du lotus. Des moines en tunique pourpre égrainent leurs chapelets…
Un bourdonnement sourd produit par la récitation lancinante de textes religieux remplit la salle. Dehors, de pauvres gens en quête de quelques roupies font un bout de chemin avec nous. Nous continuons de flâner
au milieu de cette foule colorée et profitons de faire quelques achats souvenirs.
C’est ensuite le départ pour Pashupatinath, le petit Bénarès du Népal.
C’est ici qu’ont lieu les crémations et c’est aussi l’un des lieux saints
de l’hindouisme, consacré au dieu Shiva. Nous assistons à des scènes
de crémation sur les berges de la rivière Bagmati, affluent du Gange.
Le sanctuaire principal est exclusivement réservé aux seuls fidèles hindous. On peut cependant l’admirer depuis une série de terrasses sur la rive opposée. C’est en utilisant les escaliers que Catherine fait une chute brutale et se tord la cheville. Elle doit être transportée à notre hôtel pour
y recevoir des soins. Nous espérons tous qu’il n’y a aucune gravité, mais hélas, nous apprendrons dans la soirée qu’elle ne pourra faire le trek
avec nous et qu’elle devra être rapatriée en France le lendemain…
Après Pashupatinath, nous visitons Bhaktapur, l’une des trois villes royales
de la vallée (avec Katmandou et Patan Nous explorons le " Durbar Square " (place du palais) et ses trésors d’architecture. Tous réunis dans un petit restaurant en plein cœur de la ville, situé près du célèbre " Nyatapola ", nous prenons notre repas de midi en compagnie de nos guides, Anup
et Lalit. L’ambiance est chaude et le moral est bon.
Bakhtapur, appelée " cité des dévots ", est une ancienne et magnifique ville médiévale, aujourd’hui grosse bourgade paysanne (Les paysans y exposent leurs épices et autres productions) qui a gardé intacts tous ses vestiges
du passé : temples, palais, maisons de briques rouges aux superbes fenêtres en bois, finement sculptées.
Durbar Square s’enorgueillit d’une grande cloche qui servait pour appeler
à la prière et sonnait le tocsin dans les périodes de couvre-feu.
Ce qui attire sans doute le plus l’attention, c’est une statue en bronze
d’un roi Malla juchée au sommet d’une colonne. On retrouve ici les mêmes édifices, surchargés d’ornements que l’on peut voir à Katmandou.
La nuit tombant très vite à cette latitude, il nous faut alors quitter les lieux et c’est le retour à l’hôtel Manaslu.
Denis

11 avril
Sept heures, c’est le grand jour, le soleil brille, après un copieux petit-déjeuner notre groupe en pleine  effervescence transforme l’hôtel en ruche bourdonnante, les tenues de trekking ont pris le pas sur celles de ville.
Les bagages sont lâchement séparés, ceux qui feront partie de l’aventure
et ceux, moins chanceux, qui resteront à quai. L’équipe Trinetra,
en professionnels avisés, met bon ordre à toute cette fébrilité.
Le bus est annoncé, mais auparavant il faut fixer l’événement, et, une, deux, trois, … quelques photos plus tard, le groupe s’élance vaillamment jusqu’au portail de l’hôtel où une équipe étale du goudron et stoppe net
son élan.
En un éclair, les ouvriers prévenants, à peine chaussés, déroulent
sous nos pieds, un tapis d’asphalte brûlant. Le bus est là, quelques rues plus loin, qui nous attend. Plus très jeune, le Mercedes se prête sans rechigner
à notre lourd chargement, sous le regard attentionné de son commandant. 1,2,3,4, … tout le monde est là, et en avant ! Il est 8 heures.
Le bus s’engouffre dans le vacarme matutinal de Kathmandu, et telle
une anguille s’y faufile aisément, ponctuant allégrement chacun
de ses mouvements par quelques coups de klaxon ; soudain, à l’occasion d’un accotement, il s’immobilise brusquement. Un incident ? Non, c’est Antoinette qui s’évade un moment, pour avoir son comptant de pellicules. Quelques grincements de dents. Anne et Bernadette, pour tuer le temps, évoquent, en vétérans, ce qui nous attend : il est question de beaucoup
de tournants mais aussi d’éclatements de pneus. De retour prestement, notre dissidente, grâce à son sourire rayonnant et son caractère bon enfant, a vite raison du dérangement. Déjà, la cohésion du groupe prend
son élan.
A coups de klaxon, notre bus rejoint la circulation. Très vite, les rues deviennent de larges boulevards aussitôt conquis par la nuée des véhicules.
Les faubourgs défilent, grouillants, piétons décidés ou en grande discussion, cyclistes téméraires, écoliers en uniforme, artisans affairés dans des ateliers sombres et fumants, cabanes noircies et délabrées, étals bariolés, animaux errants ou promis au couteau du boucher ; en un long panoramique, Kathmandu nous livre sans retenue, son quotidien riche de mille altérités, parfois bouleversantes, toujours fascinantes.
Mais bientôt la ville s’épuise, il est 9 heures, la pente s’accentue
et le Mercedes accuse le poids de notre équipée et celui des années. Dans notre direction, la circulation s’est distendue et les deux roues ont disparu ; en face, par contre, un flot continu de camions lourdement chargés dévale vers la capitale, comme des fourmis vers leur reine. Ces camions arborent tous la même marque : TATA, patronyme approprié pour des adeptes
du klaxon. Comme pour surmonter cette uniformité, ils sont tous richement décorés de motifs à la symbolique, pour nous étrangère, mais qui confère
à ce convoi une allure de fête foraine. Le sommet du col est atteint, occupé par une file de véhicules à l’arrêt, les questions fusent ; tout sourire Sunar nous rassure, ce n’est qu’un péage/radar. Péage, bien qu’incongru, facile
à comprendre, mais radar ? En fait, c’est simple, le poste de contrôle délivre au chauffeur un ticket où est notée l’heure de passage ; à la fin


du parcours, un autre poste calcule, à partir de ce ticket, le temps mis
pour l’effectuer et en déduit la vitesse moyenne, imparable ! Au cas
où cette mesure vous paraîtrait farfelue, la suite du voyage devrait vous convaincre de son utilité. Après le col, la route plonge dans une profonde vallée et les chevaux de notre Mercedes, dopés par la gravité, donnent
des ailes à notre attelage. Notre chauffeur se met à doubler tout ce
qui pourrait les refréner, visibilité ou pas, à petits coups de klaxon frénétiques, il se lance dans des déplacements téméraires. Le plus souvent, la voix est libre mais quelquefois, en face, un camion à la masse colorée,
mais masse tout de même, prétend s’opposer à notre envolée, le klaxon devient hystérique, les souffles sont suspendus, mais comme dans un ballet bien réglé, au millimètre près, la manœuvre est achevée. Isabelle,
pour prévenir son mal de mer, s’est installée aux premières loges à côté
du chauffeur ; à en juger par les regards désespérés qu’elle jette
à l’assemblée, nul doute qu’elle estime que son choix mériterait d’être reconsidéré. Seuls, nos amis népalais, impassibles, continuent de discuter comme si de rien n’était. Cela devrait nous rassurer. Pourtant, de temps
en temps, sur les bas-côtés quelques carcasses dépouillées témoignent
que le ballet n’est peut-être pas toujours aussi parfait ! A l’arrivée, Christian, en connaisseur, gratifiera notre chauffeur d’un " good job " chaleureux et du pourboire correspondant ; j’ose à peine imaginer l’épopée
si cela n’avait pas été mérité.
11 heures. Pause repas. Nous sommes au cœur de la vallée et, libérés
des turbulences du voyage, nous pouvons mieux savourer le paysage.
En contrebas serpente une rivière magnifiquement ourlée de rizières
aux nuances de vert insoupçonnées. De ci, de là, des femmes pliées semblent, par de petits gestes saccadés, parfaire la pureté de ces tapis pourtant immaculés. Au loin, un paysan, courbé sur sa charrue, guide
son buffle puissant en un mouvement si lent qu’ils paraissent tous deux figés. De part et d’autre de cette plaine, la montagne abrupte, entièrement ciselée d’une succession de terrasses à la terre fraîchement labourée, n’attend que la mousson pour germer. Ces terrasses me font penser
aux marches d’un stupa, matérialité et spiritualité paraissent ici
se confondre dans la plus grande sérénité. 13 heures. Notre repas achevé – un solide Dal bat, plat traditionnel népalais – le bus s’élance à l’assaut
de l’ultime étape.
La route reprend de la pente et le Mercedes retrouve une allure plus conforme à son âge, il fait de plus en plus chaud et la torpeur gagne.
Sous les auvents des maisons les hamacs prennent du volume, France
et Fred s’assoupissent mollement, se soutenant mutuellement dans
une infinie tendresse.
15 heures. Gorkha, berceau de la dynastie népalaise depuis le XVIIème ,
ici finit le goudron, ici commence l’aventure. Le reste du groupe d’accompagnateurs et nos porteurs sont là, enfin, ceux qui vont se charger des bagages, les autres sont déjà partis avec l’intendance, impressionnant ! Une multitude d’enfants, toutes dents déployées , nous dévisagent
de leurs grands yeux amusés. Le temps de descendre, de nous dégourdir
un peu les jambes et le bus est déjà déchargé ; chacun des porteurs confectionne un énorme ballot sous lequel il disparaît pour, ensemble, s’évanouir discrètement dans la forêt. Un d’entre eux, certainement
le plus âgé, arbore une chevelure d’ébène zébrée d’une bande grisonnante imprimée par la courroie le reliant à sa charge. Stigmate permanent
de son fardeau, cette bande de cheveux décolorés semble concentrer l’immensité de ce que cet homme a dû porter.
En une demi-heure à peine, tout est plié, l’équipe Trinetra démontre
à nouveau la parfaite maîtrise de son métier. Le groupe s’effiloche lentement et s’enfonce dans la forêt en empruntant un sentier abrupt aux marches empierrées que des générations de porteurs se sont échinés à tailler. Quelques minutes plus tard nous avons tous l’impression d’avoir quitté la ville depuis déjà bien longtemps. Le cœur battant, comme des explorateurs débutants, à chaque pas nous nous imprégnons de ce milieu si particulier
qui pendant plusieurs jours va devenir notre environnement. Cette campagne à l’apparence si déserte est le siège, en fait, d’une activité permanente et discrètement intégrée. Hommes, femmes, enfants apparaissent comme par enchantement à chaque détour de notre cheminement et chacun nous gratifie d’un gracieux namaste. Ce signe
de bienvenue et le regard échangé à cette occasion seront, barrière
de la langue oblige, souvent l’unique message que nous partagerons. J’aimerais tant qu’à cet instant ils puissent lire dans mes yeux l’instinctif respect que m’inspire leur peuple pourtant à peine côtoyé ; mais sûrement , est-ce pure vanité. La première colline est vaincue en moins d’une heure
et nous ne sommes pas peu fiers ; une petite pause au sommet, histoire
de relâcher un instant nos muscles déjà surmenés et nous nous lançons dans une descente vertigineuse qui doit nous amener à notre première étape. On pourrait penser que descendre est plus facile que monter,
mon œil ! Notre démarche manque de souplesse et, à chaque pas, persiste la furieuse impression que nos jambes vont rejoindre nos épaules ; L’irrégularité des marches nous oblige à scruter constamment l’endroit
où nous posons nos pieds, certains muscles, que notre mode de vie occidental ne doit jamais solliciter, lancent des appels désespérés.
La descente semble interminable. Parfois quelques porteurs attardés, chargés comme des mulets, nous doublent rapidement, les pieds nus
ou presque, sans s’occuper du sol et de ses pièges, comme si chaque centimètre carré était mémorisé.
Nous les regardons s’éloigner, désabusés et figés! Mais, soudain, timide
et lointain, le clapotis d’une rivière nous parvient et insuffle à nos corps endoloris un regain d’énergie. Une large plaine s’ouvre enfin à nos pieds perturbés qui, surpris par la planéité, nous infligent une démarche légèrement saccadée. Seuls, dans cette immensité, une petite ferme en bois
et notre camp en toiles bariolées. Nous suivons un sentier qui serpente
à travers les rizières et, médusés, découvrons notre palais complètement installé. Douze tentes flambant neuves parfaitement alignées, deux énormes tentes jumelées faisant office de salle à manger, une autre réservée
à la cuisine et enfin, à l’écart, deux minuscules abris toilés en guise de WC.
Au centre de ce dispositif impressionnant, une immense bâche étalée, garnie de plateaux remplis de biscuits et encadrée par une série de sièges pliants ; c’est ici que sera servi, à chaque étape, un thé réparateur. Disposé
sur un chevalet, un réservoir d’eau traitée, équipé d’un petit robinet,
de savon et d’une serviette, témoigne que rien n’est laissé au hasard.
Et tout cela est arrivé à dos d’homme, mon sac à dos de bouffon me semble tout à coup insignifiant. A la cuisine, l’activité bat son plein ? les couteaux claquent, les réchauds ronflent, les marmites bouillonnent. L’équipe Trinetra est maintenant au grand complet et déploie, comme si l’étape d’aujourd’hui n’avait été qu’une simple formalité, leur énergie et leur attention sans compter. Sous les tropiques, le jour décline rapidement, presque instantanément, il est 19 heures et la nuit s’installe brusquement, au loin
une lueur tremblante, comme un phare sur l’océan, signale la petite maisonnette. Le repas est servi, succulent, les discussions vont bon train
et la descente infernale est maintes fois évoquée. Tout le monde s’attarde,
il faut dire que l’on se sent bien là, resserrés sous cette tente. Soudain,
un énorme gâteau, piqué de bougies vacillantes, fait son entrée sous
les hourras de l’assemblée. En lettres colorées, et en français s’il vous plaît, on peut y lire " Joyeux anniversaire Colette ", aussitôt le groupe entonne l’hymne consacré ; Colette très émue confie à Henri le soin de partager
ce cadeau inattendu. L’émotion, quant à elle n’aura pas besoin de couteau.
Dehors, la nuit est calme et noire, chacun rejoint son abri nocturne
et en peu de temps le silence devient impressionnant, à peine troublé
par le bruissement de la rivière et par cet oiseau, au cri étrange, qui comme un gong doux et régulier va bercer nos premiers rêves népalais.
Alain.


12 avril
" Le long de la rivière Daraundi Khola " Après la première après-midi
de marche et la longue descente des " escaliers ", la nuit fut réparatrice.
Le jour pointait à peine quand nous fûmes réveillés par le bruit des gamelles. Le thé nous est rapidement servi devant chaque tente et une cuvette
à demi remplie d’eau tiède servira pour la toilette. Le petit déjeuner
est copieux et bourratif : cornflakes, œufs, toasts, beurre, miel, confiture, chocolat, café, thé. Pendant que nous déjeunons, l’équipe népalaise s’affaire : elle démonte les tentes, empile nos sacs dans les paniers…
Chacun a sa tâche et tout est parfaitement orchestré. Rapidement tout
est prêt. " Prêt - Prêt - Prêt ".
C’est parti pour une longue journée de marche qui, selon Sunar, sera facile car nous allons longer la rivière. Nous quittons le camp et nous traversons
la Daraundi Khola (Khola signifie rivière) sur un petit pont de rondins de bois. Certains se font aider, d’autres traversent gaillardement le pont branlant.
En longeant le lit de la rivière, nous arrivons vers un village où une bande
de gamins accompagnés d’un grand chien jaune poursuit un gros singe
qui ne voit son salut qu’en traversant le courant. Mais toute l’équipe part
à sa poursuite. Le singe réussit à trouver refuge dans un petit bois. Les enfants lui jettent des pierres. Ce soir, ce sera le réveillon de l’an 2057
et nous ne saurons jamais s’il passa à la casserole. Le sentier longe la rivière , traverse des champs, des villages, des rizières. L’eau est abondante.
Nous croisons des villageois : " Namasté. Namasté. " Ils rient en voyant
la barbe et les jambes poilues de Nicolas. Nous cheminons dans la forêt.
Une petite halte vers un point d’eau rassemble tous les trekkeurs.
Marie-Claude s’en souvient encore. En voulant se rafraîchir, elle laissa glisser son appareil photo dans le ruisseau. " Pauvre petit oiseau ", il ne sortira plus.
Christine est malade depuis ce matin, elle a une petite mine, mais cela
ne l’empêche pas de suivre allègrement et courageusement. A la sortie
d’un village, sous un arbre immense, toute la troupe s’arrête. La pause
de midi est attendue par tous. Pendant que les cuisiniers s’affairent
sur la petite plage, les " goras " (les blancs) se reposent. Certains sont allongés, les yeux clos ; d’autres en profitent pour rafraîchir leurs pieds
dans le courant de la claire rivière. Citronnade ; repas rapide : salade
de chou - sandwich - fromage - œuf dur - thé . Pas de sieste : à peine
la vaisselle rangée, on repart . Denis cherche vainement sa canne, il sera obligé de se tailler un bâton de pèlerin.
Le sentier suit le flanc de la montagne, la rivière coule en contrebas.
La digestion, la chaleur, la fatigue, la pente, je ne peux plus avancer. L’angoisse m’envahit. Je m’imagine déjà sur le dos d’un porteur : " Puré doit être le plus solide ! " Je m’imagine dans un doko (un panier),
les jambes coincées je ne sais où. Sunar et Christian me réconfortent. Nicolas m’encourage, Kaley prend mon sac à dos. Je repars lentement
en réglant mon pas sur celui de Sunar : " Bistaré – Bistaré " (lentement, lentement). Ouf ! J’ai repris mon rythme, c’est reparti. Le moral revient.
Les autres sont déjà loin, on ne les aperçoit même pas. Ils galopent,
Marie-Claude en tête.
Nos pas froissent les feuilles sèches, on entend le coucou, le chant
des oiseaux et des cigales. Il fait chaud, très chaud. La vallée s’élargit, j’aperçois les porteurs qui font une halte. Je rattrape le groupe et …
on repart aussitôt. Nous cherchons l’endroit propice pour installer
le campement. Voici un bel emplacement vers un village, on va pouvoir
se reposer. Nous sommes à peine arrivés que l’aubergiste du coin arrive avec un seau chargé de bouteilles de bière et de coca : les boissons préférées de "goras". Les gamins du village sont là : l’un d’eux s’est installé au sommet d’un petit arbre tel un corbeau sur son nid et il observe.


LES AMIS DE LAPRAK

 


ACCUEILCALENDRIER  DONS ET PARRAINAGES CONTACTS

 

TREK A LAPRAK 2000

En préambule…

An nom de mes compagnons de route, qui m’ont suivi (ou plus souvent précédé…) dans cette nouvelle aventure népalaise, je tiens à dédier ce modeste livret-souvenir à tous les enfants de Laprak… C’est pour eux que ce programme s’est mis en place et c’est vers eux que se dirigent nos pas. Nous les aimons et ils sont à jamais dans nos pensées.
Il faut aussi exprimer ici notre reconnaissance à nos chers amis Iman et Sunar qui sont pour beaucoup dans la réussite de ce trek : leur présence discrète mais rassurante, leur indulgence pour nos maladresses et nos petits travers d’occidentaux, leurs attentions amicales, leur calme et leur solidité lors de la nuit mémorable de Sulikot (endroit joli et " paisible " selon Régis !), tout cela a été apprécié à sa juste valeur. Adressons de même un merci chaleureux à toute l’équipe de Trinetra pour son efficacité sans faille, sa patience, le soin constant qu’elle a apporté à nous servir et la gentillesse souriante de chacun.
"Tout ce qui n’est pas donné est perdu" dit un proverbe indien…
Vous avez tous beaucoup donné : du temps, de l’énergie, de l’enthousiasme et de la joie, de l’amitié, de la sueur et des larmes (n’est-ce pas, Maryse ?),
de l’entrain et de la voix (Bravo Antoinette !), de l’imprévu (pauvre Catherine pour son entorse et notre héros Jean-Claude pour le " coup de foudre " !),
de l’aide et du soutien lors de la rencontre avec les enfants parrainés et les mamans des nouveau-nés.
Aucun instant de ces deux semaines népalaises vécues si intensément, aucune émotion partagée, aucun regard échangé ni aucun visage d’enfant aperçu
ou croisé au hasard des rencontres, aucune des visions magiques de sommets immaculés, aucun de tous les souvenirs lumineux rangés dans nos cœurs
et dans nos mémoires, ne sera perdu…
Enfin, merci à chacun de mes amis de s’être prêté avec simplicité à cet exercice d’écriture qui, je l’espère, n’aura été un pensum pour personne. J’ai été ravi de vous lire, de mettre en forme cet ouvrage collectif, et de constater qu’Alain, qui s’avouait " peu enclin à l’expression écrite ", s’est avéré le plus prolixe de nous tous (75 Ko et 9742 caractères…)

NAMASTE A TOUS ! CHRISTIAN

Quelques photos

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


RECITS DE VOYAGE
 PAGE  2