TREK A LAPRAK 2001 (SUITE)

 
avec les sacs par les porteurs. Le petit déjeuner, comme toujours,
est consistant : oeufs, crêpes-galettes, corn flakes, toasts au beurre
de yak et au miel ou à la confiture, arrosés de thé ou de café.
Quelques enfants viennent encore nous rendre visite, comme hier soir
où Isabelle leur avait prodigué quelques "leçons". Désir d'apprendre
de ces enfants comparé à la passivité des enfants français ?
Quelques uns rêvent de refaire le monde de l'éducation !
Départ du camp vers 7 h 40. Nous longeons des terrasses sculptées
sur des pentes incroyables portant de vigoureux plants de maïs ;
un  homme menant un attelage de deux boeufs à bosse laboure
une de ces parcelles de terre brune et profonde ; les lopins sont maintenus partout dans un propreté impeccable, témoins du labeur attentif
des paysan(ne)s. Nous passons sous un datura qui renverse au-dessus
de nos têtes ses cornets blancs narcotiques ! Nous traversons quelques hameaux au milieu du chant des coqs et passant devant des chèvres recluses dans des enclos de bambous.
Contre un mur, une grappe d'enfants serrés les uns contre les autres,
mi inquiets, mi souriants : Namasté ! Le chemin commence à monter.
A un détour, la chaîne des Annapurna apparaît devant nous, étincelante
de blancheur. Un peu plus loin, ce seront sur notre droite les Ganesh reconnaissables à leurs formes raides, puis le Boudha Himal plus arrondi. Apparitions toujours aussi saisissantes, majestés blanches qui, du haut
de leur 7000 voire 8000 m, continuent à nous couper le souffle même
la deuxième, la troisième ... fois.
Nous nous séparons en deux groupes empruntant deux sentiers voisins.
La pente se fait de plus en plus raide, entrecoupée de marches.
Le souffle coupé ... cette fois au sens propre, nous nous accordons
une pause et tandis que nous récupérons, Sun et Biré nous dénichent
dans un buisson de petites framboises jaunes : savoureuses ! Une de ces petites attentions qui vont droit au coeur et que tous pratiquent à Trinetra : sherpas, cuisiniers ou sirdars ! Nous montons au flanc de la "Selle
de Cheval" en haut de laquelle flotte le drapeau maoïste, comme
une menace. Après une courte descente, nous recommençons à grimper ; cette fois, c'est du sérieux : nous entamons l'ascension du Darché
et n'allons plus cesser de monter jusqu'à son sommet (3200 m).
Pause à Tchénéri sur un chautara (plate-forme surélevée qui permet
aux porteurs de poser leur charge, lors d'une halte) à l'ombre
d'un pipal. En repartant, nous passons devant plusieurs sépultures de pierre (manis) dont celui d'une femme en couches reconnaissable
à sa représentation sur une pierre gravée. Mais voici que Biré revient
à notre rencontre, apportant une bouilloire de citronnade. Cet "apéritif" signifie que la pause-repas est proche et nous redonne ardeur à la marche.
Un peu plus loin, en contrebas du sentier, quatre femmes moissonnent
un champ de blé en rassemblant d'une main les tiges qu'elles raclent
de leur faucille pour les égrener et en jetant la poignée de grains
dans leur doko. Elles échangent plaisanteries et rires à notre passage.
Nous arrivons sur le lieu du pique-nique, creux verdoyant idéalement situé près d'une source entourée de grands arbres portant des orchidées.
Sitôt le repas terminé, Sunar part en repérage avec les porteurs,
tandis que nous profitons d'un moment de détente, voire de sieste
pour certains. Cathy, Christian et Denis racontent des histoires drôles.
Vers 15 h 30, nous repartons sur le sentier toujours aussi raide,
mais plus ombragé (la forêt du Darché n'est plus très éloignée). L'étape sera très courte (une demi-heure) : Sunar s'étant rendu jusqu'au camp prévu,
a constaté qu'il était occupé par un berger et son troupeau ; il est donc revenu sur ses pas pour trouver un nouvel emplacement ; une étroite terrasse abandonnée couverte de broussailles et voisine d'un point d'eau fera l'affaire ; Sunar et les porteurs ont arraché les broussailles et y ont établi les huit tentes soigneusement alignées. Ce camp est déjà dressé quand nous y arrivons vers 16 h ; nous nous y installons. L'étape a donc été plus courte que prévu. Seul Eyup poursuit un moment l'ascension
en solitaire ; il reviendra deux heures plus tard. Après avoir pris possession de nos tentes, c'est l'heure du thé. Une discussion s'engage entre Christian, Alex, Michèle, Anup ... sur des sujets sérieux : les Maoïstes,
les manifestations à Kathmandu, la politique népalaise et jusqu'aux cours des monnaies et à l'arrivée de l'euro (€) ...Nous nous réfugions
sous les tentes car la pluie commence à tomber. Pourvu qu'elle ne dure
pas jusqu'à demain pour passer le Darché ! Mais non, voilà qu'elle s'arrête !
Des enfants nous rejoignent : ce sont les enfants du berger installé plus haut. Ils ont l'air très déluré ; l'un d'eux joue avec un lance-pierres
au maniement duquel il excelle. Ils répondent en gurung à nos questions.
Ils nous tiennent compagnie jusqu'après le repas du soir que nous prenons sous la grande tente dressée sur la terrasse supérieure. A la tombée
de la nuit, nous regagnons nos tentes pour un sommeil que chacun espère réparateur.
Annick et Régis Declerck


Compte-rendu de la Journée du vendredi 20 avril sur un petit air connu…

Le soleil vient de se lever,
Encore une journée ensoleillée.
Nous voilà en 2057,
sur les montagnes du Népal.

Après avoir tous bien ronflé
Jusqu'à 6h on a fait la grasse matinée
Réveillés par un thé sucré des aide-cuisiniers.

En 2,4,6 les tentes sont démontées,
Chacun est "prêt-prêt" , un peu lavé
Le petit "déj" est préparé, il faut manger.

Un bol de porridge pour commencer,
Puis oeuf sur le plat pour continuer
Thé ou café pour digérer, nous voilà revitaminés

Avant de partir Cathy a fait remarquer,
Qu'une glace ne servait pas qu'à se maquiller Que les sangsues bien cachées devraient s'en méfier.

Alain, loin de ses chenilles adorées
Du vert au rouge il est passé
Sans doute le mal du pays, la tourista ne l’a pas épargné.

La caravane des porteurs est déjà partie
Si lourde, si longue pourtant si animée
Par des hommes aux sourires émerveillés
Au coeur aussi gros que les charges portées.

Petit à petit les marches sont montées,
Sous les regards des enfants étonnés
De voir des "Gora" aussi cinglés sur leurs sentiers escarpés.

Mais on était tous motivés
Accompagnés des chèvres, encouragés par des " namasté "
Pour le déjeuner, je vous rassure, on ne les a pas mangées!

Enfin le col à 3200 est franchi
Un immense feu, par les amis porteurs,
est allumé Pour réchauffer nos membres fatigués, une pose est méritée.

Lors de la descente tout s'est bien passé
Sauf que "ptit loup" voyant les montagnes voulait skier Il n’arrêtait
pas de glisser pour nous impressionner.

Arrivée au camp… Tout était déjà prêt
Autour du feu tout le monde s'est rassemblé
Le "Cathy House Band" s'est mis a chanter
Mais le Goriiii..iiill-le ne s'est pas pointé.

Annie s'est prise pour Maïté,
A goûter le plat des cuisiniers,
Puis s'en est allée faire un tour au " Palais du Roi ".

Alain notre second garde forestier
Animé d'une grande curiosité
a immortalisé Annie au " Palais du Roi " sur fond d'Himalaya.
 
Pour le dîner vous ne devinerez jamais
Même chez " Pizza Hut " vous ne pourriez la trouver
Eh oui, " Royal Vegeterian Pizza " aux légumes parfumés.

Denis aura atteint son plus haut sommet
Non pas grâce à ses pieds mais à la force de ses poignets
La tarte au citron aux quatre pics ne lui a pas résisté.

Le soleil vient de se coucher,
Un grand merci aux Sherpas, Porteurs et Cuisiniers
De nous dorloter comme des bébés
Shuuuuttttt! Maintenant il faut rêver.



Le sourire des Népalais, j ai appris à l'aimer dans le silence, à l'écoute
de leur vie. […] Les Sherpas, à la difference des porteurs, connaissent
un anglais rudimentaire qui ouvre la porte au dialogue, surtout si nous avons
fait nous-mêmes l'effort d'apprendre quelque mots de népali.
Pour eux, la montagne est sacrée. Dès l'enfance, ils ont appris a l'aimer malgré la vie rude qu'elle impose, et la découvrir avec eux devient
une initiation. Dans les passages difficiles, ils nous aident et leur ardeur
est alors sans limite. Avec une délicatesse bien à eux, ils savent aussi
partager nos joies et nos tristesses. Sans effusion ni gestes superflus,
juste un regard de connivence. J'aime leur gaieté, leur courage et leur dignité. A la rencontre de leur culture, ma vie s'est enrichie d'une nouvelle dimension. "
Nadine Hubert (Chef d'expédition à l'arête Est de l'Ama-Dablam, 1983)
Texte que m’a remis Mme B. Selb

Eyup Aksen

21 avril
3000 mètres. C’est l’altitude à laquelle une fraîche aurore nous accueille
ce matin là, c’est aussi le point le plus élevé de notre périple. Derrière nous, en contrebas, les collines dont nous avons sillonné les flancs trois jours durant ; devant nous, à perte de vue, un rempart de blancheur, silencieux, majestueux, l’Himalaya, domaine des Dieux. L’horizon tout entier
lui est consacré avec, pour toile de fond, un ciel dont le bleu trahit une nuit évanescente. Seuls, quelques gros nuages blancs par leurs molles courbes troublent la pureté du panorama. Soudain, dans un éclair blanc, l’orient s’embrase d’une clarté insoutenable ; le soleil levant illumine progressivement pics et murailles, comme s’il voulait faire les présentations, Shringi Himal, Ganesh Himal, Bouddha Himal.… Les photographes mitraillent, en vain peut-être, quelques grains d’argent peuvent-ils fixer une telle magie ? Le souffle coupé par tant de beauté nous contemplons longuement cette vertigineuse muraille qui nous domine de plus de 3000 mètres
et nous écrase de sa démesure. Paradoxalement, une profonde sérénité émane de cet endroit, rempart de tous les dangers. Peu à peu, une légère brume progresse des vallées et voile ce joyau comme pour mieux
le préserver, le spectacle est terminé. Derrière nous notre bivouac
a disparu et, seul dans l’immensité, le carré coloré de la nappe du petit déjeuner nous ramène à la réalité. Prochaine étape Laprak, but de notre voyage, 800 mètres plus bas.
Notre collation achevée nous voici donc précipités dans la descente
vers le village tant attendu. Le sentier serpente le long d’une crête au cœur d’une forêt aux arbres moussus et surannés. D’énormes rhododendrons arborent les vestiges d’une floraison qui, il y a peu de temps, flamboyait encore du rouge sang au blanc le plus pur. De-ci de-là gisent quelques arbres abattus dont ne subsiste que le tronc condamné à la pourriture,

trop lourds à transporter sans doute. Parfois même la hache du bûcheron,
pour quelques étranges raisons, a entamé certains sujets sans les achever,
les abandonnant, ainsi mutilés, à une mort différée mais certaine. La gestion forestière durable est, ici, une notion secondaire, mais qui pourrait
le blâmer ? Lentement la forêt cède sa place aux premières terrasses cultivées, nous sommes pourtant à plusieurs heures de marche du village. Quel courage, quelle force vitale cela suppose pour tirer parti
de ces quelques lopins de terre disputés à la montagne et dont l’horizontalité fragile est sans cesse compromise au sein de cet univers vertical où Sisyphe lui-même aurait sans doute abdiqué ! Le sentier s’élargit et épouse les courbes ondulées du relief. D’un flanc de montagne à l’autre, Sunar et son équipe conversent tranquillement dans leur langue maternelle. Sans qu’ils n’aient besoin de crier, leurs paroles semblent rapprocher
les montagnes et pour la première fois je perçois à quel point tout,
ici, est en parfaite harmonie. Pour la première fois aussi, je ressens combien ma culture occidentale est éloignée de celle qui permet de vivre
ou de survivre dans cette vallée profonde et coupée du monde. La crainte d’être un intrus surgit et les doutes aussi.
Mais au détour d’un lacet une rencontre fortuite dissipe mes pensées.
Une jeune femme et son fils s’en allant aux champs croisent notre chemin. Elle, tout sourire, de ce sourire si particulier (qui me fait craquer), à la fois rayonnant et gêné, que de brefs mouvements de mains tentent en vain
de réprimer, et qui semble régulièrement s’évanouir pour mieux s’épanouir.
Lui, la mine renfrognée, visiblement contrarié. C’est qu’il aurait bien voulu rester au village, le pauvre, en ce jour si particulier. Nous sommes à Laprak maintenant c’est sûr, et nous sommes attendus.
En effet, quelques lacets plus loin, une vue plongeante sur la vallée dévoile un petit carré luisant, pas plus gros qu’un timbre poste, le toit de l’école. Tout alors s’accélère, nos pas sont plus légers et les efforts oubliés,
le carré grossit à vue d’œil et nous pouvons distinguer maintenant la cour déserte : c’est normal … il est à peine 11 heures et la classe n’est pas terminée. Les terrasses sont plus larges et spacieuses, les blés quasiment mûrs brillent au soleil, et soudain apparaît, planté comme une bouée, le mur arrière de l’école aux pierres habilement travaillées. Pas un bruit, pas même une rumeur, juste les cœurs qui battent la chamade.
De l’angle du mur, Sunar jaillit, bondissant comme un cabri, et nous invite
à avancer. Alors, brusquement, la montagne s’inonde d’une clameur immense. Une double haie d’enfants décrit dans la cour un long labyrinthe dans lequel nous sommes précipités… 400 enfants crient à tue tête,
les bras chargés de fleurs, les yeux pétillants, les pieds trépidants,
les mains débordantes de vermillon. Nous progressons lentement, découvrant au passage l’incroyable diversité du Namasté, croulant
sous les fleurs, le visage vermillonné où les larmes creusent de petits sillons.
Et cette clameur qui enfle, qui enfle…Ce long couloir de sourires et de joie nous conduit, abasourdis et tremblants, au pied de l’escalier où, les bras grands ouverts, les membres du comité villageois et du corps enseignant nous étreignent chaleureusement. Existe-t-il des mots suffisants pour décrire un tel accueil ? En contrebas de la cour, notre campement
est déjà installé et, après un repas vite avalé, nous pouvons admirer l’ébauche d’une nouvelle école. Les murs émergent à peine du sol mais donnent une idée précise du futur bâtiment. La technique est simple, efficace, mais redoutablement pénible. Plusieurs hommes taillent des pierres qu’ils trient dans un énorme tas alimenté par de jeunes femmes les charriant dans leur doko après les avoir arraché à la montagne. Par un coup de rein vif et précis, elles se débarrassent de leur charge par dessus leur tête… Impressionnants ces blocs de plusieurs kilos qui frôlent leur chevelure !
Plus loin, quelques femmes, dans un ballet circulaire incessant, foulent
du pied un mélange de terre et d’eau qui servira de liant. Sans outils sophistiqués, mais avec un savoir faire saisissant, d’autres hommes conjuguent le travail des autres et façonnent la solide construction.
Chaque famille du village consacre gracieusement plusieurs jours de travail
à cet ouvrage. De la sorte, elles participent au projet en fournissant
ce dont personne ne manque ici : le courage. En rejoignant nos protégés, nous voyons évoluer, sur le versant dominant l’école, les porteuses
de pierres dont les corps souples et robustes ondulent au rythme des blés qui leur servent de décor. Même dans l’effort, leur grâce ne les quitte pas.
Mais maintenant l’heure est au spectacle. Les enfants nous ont concocté
une représentation qui met en scène les valeurs du bien et du mal sous forme de danse à la gestuelle gracieuse et sobre. Deux jeunes filles,
à la voix suraiguë, accompagnent l’évolution des danseurs, de chants traditionnels rythmés par le son mat du mandal.  Les enfants, assis
à même la terre, délimitent un demi cercle qui fait office de scène.
Leur visage constitue en soi un autre spectacle, tour à tour s’illuminant, grimaçant, ou se refermant, comme un miroir dans lequel le spectacle
se refléterait. De l’enthousiasme et de la curiosité à l’état pur ! Derrière eux, mais debout, les mamans élargissent le cercle et abusent de leur sourire irrésistible.
Au final, l’incontournable " Resam Firiri " est entonné avec vigueur, et notre groupe se lance dans une danse frénétique qui fait exploser des centaines de visages népalais. Cette chanson populaire qui peut être fredonnée avec la plus grande douceur, presque avec tristesse, ou attaquée énergiquement reflète bien, à mon sens, l’âme népalaise, ce courage résigné et tranquille, capable de déplacer des montagnes.  Le spectacle terminé nous sommes invités à visiter les installations scolaires. Tout le matériel fourni
par l’association est soigneusement présenté sur une table afin de nous assurer de son bon usage. Sur une autre table sont exposés des objets créés par les élèves, répliques d’objets du quotidien à partir de matériaux
de fortune, à la beauté simple que confère l’authenticité. Puis, le directeur nous guide avec fierté vers la grande nouveauté de cette année :
 

la bibliothèque ! Accolée au bâtiment principal, une petite pièce
de quelques mètres carrés, à peine éclairée par l’ouverture de la porte, présente sur son pourtour une série de documents à la disposition
des élèves.Au plafond, suspendus à un fil tendu comme du linge qui sèche, plusieurs illustrés sont exposés. Intrigués, nous demandons si ces ouvrages ont été mouillés. Le directeur nous rassure et nous explique qu’il s’agit
de présentoir pour inviter les enfants à la lecture. Sans commentaires !
Dehors, le ciel s’assombrit et l’orage menace. Sunar m’invite à déguster quelques pommes de terre cuites dans la braise chez sa tante qui, me dit-il, lui concocte ce plaisir à chacune de ses visites au village.
La pièce est minuscule et très sombre. Mes yeux, surpris par l’obscurité,
ne distinguent que quelques sourires et, dans un petit foyer creusé
à même le sol, le faible rougeoiement de la braise ; le plafond en paille tressée est bas et noirci par la fumée ; pas de fenêtres, pas de cheminée. Lentement, ma vue s’accommode au manque de lumière et je peux à peine distinguer le visage de mes hôtes. La tante et l’oncle de Sunar sont assis
de part et d’autre du foyer sur des banquettes très basses qui, je présume, leur servent également de lit. Une simple natte les garnit. Ni table,
ni mobilier. Un des murs est garni d’un rayonnage en bois où s’aligne
une vaisselle exclusivement en métal : des assiettes, des plats, des tasses, quelques marmites. D’une main experte, la tante de Sunar extrait
les patates de la braise, ce qui provoque un regain de luminosité
et me signale la présence de deux jeunes personnes à ma droite, légèrement en retrait. Les patates sont délicieusement douces
et fondantes, la pluie crépite maintenant sur le toit et le tonnerre gronde,
le foyer dispense une douce chaleur parfumée, le monde moderne
et ses turpitudes est bien loin, je me sens bien.La nuit est tombée, l’orage s’est apaisé… Allongé dans ma tente, ma tête résonne encore de cette clameur immense et je revois tous ces visages rayonnants de joie,
mes doutes n’y résistent pas.
Alain Barulea

22 avril
Au réveil, nous avons droit à une superbe vue sur les montagnes enneigées et aux regards curieux des petits laprakis levés de bon matin pour contempler les fameux goras venus de si loin pour les rencontrer.
Vers 10 heures, nous assistons à la rentrée des classes dans la cour
de l’école. Les enfants sont en file indienne (ou plutôt népalaise) et rangés par classes. Les files sont de moins en moins longues quand on passe
du niveau 1 (à effectif pléthorique) au niveau 8 (à effectif fort réduit).
Sous la direction de Rajendra et des instituteurs, les enfants font quelques mouvements de gymnastique, écoutent les consignes puis regagnent
leurs salles de classes.
Michel, Annick et Régis se sont installés dans le bureau du directeur et vont procéder à la vérification de la vue des écoliers. Les enfants qui arrivent
par petits groupes semble craindre au début ce grand Monsieur français
qui va peut-être leur faire des misères. Mais les premiers testés ont dû passer le mot (le Monsieur est très gentil) aux suivants qui arrivent beaucoup moins apeurés. Ce n’est pas facile de tester leur vue car certains ne connaissent pas notre alphabet… Alors il faut s’adapter et notre chère petite équipe fabrique sur le champ un alphabet népali.
C’est assez folklorique ! Certains ne sachant pas encore lire les lettres,
il faut à nouveau s’adapter et l’on dessine une planche d’images (objets usuels, animaux, fleurs etc Certains enfants trichent pour avoir la chance
de porter une paire de lunettes. Les instituteurs sont d’ailleurs les premiers
à tricher (les lunettes seraient un symbole de promotion sociale). Heureusement ils ont trouvé plus rusé qu’eux. Le Docteur Michel s’en aperçoit vite et seuls un ou deux gamins à la vue parfaite auront gagné dans l’affaire une paire de lunettes souvenir. En même temps, dans la cour, a lieu la traditionnelle séance de photos pour les nouveaux enfants parrainés.
Cette année, notre correspondant Suk a préparé les chose efficacement.
Les enfants portent sur leur poitrine un petit papier avec leur n°
de parrainage. L’aide de Sun et de Anup est également appréciée.
Cathy prend les photos et fait connaissance avec sa petite filleule.
D’autres membres du groupe rencontrent aussi leur nouveau (nouvelle) petit(e) protégé(e) : Michèle, Jean-Luc et Alexandre. Tout se passe dans
le calme et beaucoup plus vite que l’an passé.
Ensuite c’est la distribution des paquets cadeaux (450 montés à dos d’homme depuis Gorkha).. Nous procédons classe par classe, et c’est chaque fois un bonheur de voir les mines réjouies
des enfants recevant ce qui est peut-être leur premier cadeau. Rajendra explique à la classe ce que contient le paquet et comment se servir
de chaque objet : serviette de toilette, savon, brosse à dent et dentifrice, ciseaux et coupe-ongles, miroir et shampoing.
Nous mangeons assez tard car la matinée a été bien remplie. Après le repas, nous descendons au village pour visiter la petite école " Jal Devi ", remise
en état par l’association, et apporter les cadeaux aux petits des classes 1.
L’accueil est comme celui de la veille extrêmement émouvant. Les petits nous font une haie d’honneur et rebelote ! On a droit à nouveau
au barbouillage à la poudre rouge, aux colliers de fleurs et aux cris
de bienvenue. Les deux instituteurs engagés par " Les amis de Laprak "
nous ont préparé un petit spectacle : chants et danses par les enfants. Nous versons notre larme…Ensuite nous visitons les deux salles
de classes, petites et sombres où s’entassent plus de cent gamins.
Nous procédons à la remise des cadeaux et là, dommage, Rajendra
n’est pas ici pour expliquer comment se servir des divers objets
de la " trousse de toilette ". Certains petits malins essayent leurs ciseaux sur la chevelure de leur voisin de devant tandis que quelques petites filles repartent avec leur serviette de toilette en guise de châle …
On nous fait voir les objets fabriqués par les enfants en travail manuel
et chacun d’entre nous a le droit de choisir un objet comme souvenir
de la visite. Nous remontons à notre camp, faisons un arrêt au " bar des français ". Nous remettons à Rajendra les médicaments de première urgence apportés pour l’école et lui expliquons en détails à quoi ils servent et quelle posologie utiliser.
La soirée est pluvieuse… aussi nous mangerons bien à l’abri sous l’auvent
de la maison jouxtant nos " cuisines ".
Isabelle Oulikian

23 avril
Le jour se lève sur un panorama superbe, le ciel ayant été lavé par les pluies de la veille. Le vent du nord souffle la neige sur les sommets, ce qui augure bien du beau temps. Denis, avec ses jumelles, intéresse fort les enfants
qui attendent l’école. Autre scène mémorable, la fontaine assaillie
par de nombreux enfants venus étrenner leur brosse à dents, certaines chevelures ayant par ailleurs fait les frais de coupes sauvages
par les ciseaux de petits camarades. Au menu du petit déjeuner, du kir,
non pas du petit blanc-cassis mais une préparation à base de riz et de lait, avec quelques fruits secs, peu avenante d’aspect mais fort bonne.
Ce dernier jour à Laprak fut celui des réunions, entre les responsables
du village, de Trinetra et de l’association, sur la manière d’aider le village
le matin, sur le projet forestier l’après-midi.
Pour le reste du groupe, aide à Michel qui, après avoir équipé le village
de lunettes, dévoile des talents insoupçonnés de chirurgien pour assainir quelques plaies malsaines que certains habitants lui présentent.
Et aussi, nouvelle découverte du village, des cultures qui l’entourent, jusqu’au torrent et à la passerelle vertigineuse situés tout en bas : un coin magnifique orné de plusieurs belles cascades, départ du chemin qui rejoint
le tour du Manaslu. Entre autres anecdotes pittoresques, ce garçon de 4-5 ans qui lave son pantalon avec un savoir-faire de lavandière, cette poule qu’une femme emmène aux champs, pour la laisser picorer pendant qu’elle travaille, et Eyup enlevant son tee-shirt pour le donner à une jeune fille
de Laprak.
Pour la plupart cependant, le point fort de cette journée fut la visite
des filleuls dans leur famille. Plusieurs membres du groupe étaient venus essentiellement pour cette rencontre, qui a permis de rendre concret
le parrainage, lien amical entre des européens souhaitant se rendre utiles
et de jeunes népalais animés d'une féroce soif d’apprendre, pour améliorer leur condition. Pas facile de retrouver tous les enfants nouvellement parrainés et leurs parents, même guidés par le permanent de l’association
à Laprak.
Laprak est un labyrinthe de venelles dallées ; les maisons se ressemblent.
Il faut prendre des repères auprès  des torrents canalisés, de certaines places ou maisons colorées, ou de quelques arbres qui dépassent, comme
ce thuya dont les aiguilles sont récoltées, séchées et vendues
à des groupes pharmaceutiques. Aux détours du chemin, on découvre certains aspects un peu sordides, la saleté de certaines ruelles
et les enfants marchant dans les égouts. N’empêche, ces instants mémorables ont mis du baume aux cœurs (plus fort que le baume du tigre !). S’il ne fallait garder qu’un souvenir du voyage, ce serait certainement
celui-là. Nous ont été offerts l’hospitalité des familles faisant la grâce
de leur intérieur petit et sombre mais soigné, quelques mots et beaucoup
de gestes pour se faire comprendre, la reconnaissance rayonnant
dans les yeux des enfants et des mères, l’échange de quelques cadeaux, tee-shirts ou cartes postales pour eux, graines ou artisanat pour nous,
et pour finir la photo de famille. Qu’il soit possible de nouer des liens  malgré la distance, la langue et les cultures, de s’engager à veiller sur l’enfant
non pas à la place du père ou de la mère, mais comme un parrain,
une marraine, une bonne fée peut-être, qui peut aider, apporter à l’enfant ce qui lui manque pour grandir en citoyen du monde, voilà de quoi croire
un peu plus en l’humanité.Et pour prolonger ces brefs instants, une douce soirée sous les étoiles. Assis près du monument proche de l’école du haut – stupa ou mani ? en tout cas un lieu apprécié des Laprakis, faisant face
à la vallée d’où monte le bruit du torrent et à l’Himalaya, on goûte le calme et la beauté de la montagne, de quoi comprendre que l’on puisse être attaché à ce village, à ce coin de Terre.
Martine et Alain Grognou

24 avril
Au dessus du village, nous retrouvons l'autre partie du groupe. Des femmes sont là également. Elles ont posé leur Dokko chargé de bois mort,
elles sourient ...
Nous admirons les premiers rhododendrons en fleurs. Plus loin, l'équipe
de cuisine nous attend au col avec le repas de midi: beignets, thon, salade de haricots verts, mangues au sirop. Des habitants de Laprak passent chargés d'énormes sacs de riz, de Dokkos remplis et tout au long
de la descente, nous en rencontrerons tellement qui remontent de la vallée que j'ai l'impression d'être sur l'autoroute pédestre : Laprak-Vallée ( je vais d'ailleurs un peu plus tard rencontrer la maman de Shi Ral, mon filleul).
Cette descente, 1800 m de dénivelé, en plein soleil, sera dure!
Mais un berger nous a fait cadeau de magnifiques bâtons de bambou!
Nous traversons deux villages, plus riches que Laprak, il y a même l'électricité!
Les toits et les murs des maisons sont souvent en feuillages enchevêtrés
de branchages , de paille, d'herbes. Les couleurs sont ocres, dorées...
La descente "infernale" approche de sa fin, la fatigue se fait sentir,
Jean-Luc tire la jambe, Annie peine, mais un des sherpas nous fait chanter en Népali, ce qui amuse bien les gens que nous rencontrons.
A la nuit tombante nous atteignons le campement au bord d'un torrent qu'enjambe un pont suspendu. Un endroit magique! Deux cabanes
de branchages : l'une est une auberge. L'autre ressemble à une grotte:
les porteurs sont accroupis, je ne distingue que leurs yeux, leurs sourires,
le reste de leur visage se confond avec l'ocre des branchages
et l'obscurité...Nous nous lavons dans l'eau du torrent.. C'est le bonheur,
la plénitude...
Michèle Monneret

Mercredi 25 avril
Après une douce nuit bercée par le chant apaisant de la "Ranlung Khola ", nous sommes, comme chaque matin, réveillés avec le thé brûlant
et le sourire rafraîchissant de nos amis gurungs.
Comme chaque jour, nous avons à notre disposition une bassine d’eau tiède, gentiment déposée devant la tente. Mais la toilette n’apparaît plus comme
une nécessité pour beaucoup d’entre nous. Pendant que l’équipe de Sunar démonte, plie, ficelle, et charge le matériel dans les " dokos ",
nous nous dirigeons, boiteux, pour la plupart, vers notre "salle à manger", prêts à déguster un délicieux petit déjeuner.
L’étape d’aujourd’hui sera longue, mais moins dure que celle d’hier,
dont la descente vertigineuse est bien mémorisée par nos genoux endoloris..
L’attraction de la journée, pour certains, un jeu d’enfant, pour d’autres,
une véritable gageure : les ponts. Le premier, à quelques mètres de notre campement, préoccupe certains esprits depuis hier soir.
D’ailleurs, afin de ne pas subir les balancements joyeux des plus aguerris, une première équipe part avant tout le monde, certaine ainsi de passer tranquillement. Dieu ! Que la terre est basse, et que l’appui est mouvant !
Chaque pas : une étape – Chaque planche : un but. Des femmes
et des enfants, un doko chargé dans la dos, passent sans même prêter attention à ce qui me tétanise ! Alex traverse en courant ! Il faut y aller ! Regarder devant soi – Ne pas baisser les yeux – Ne pas s’arrêter – Ne pas se laisser distraire – " AAAAH ! Sunar ! Arrête de secouer ce pont ! " Le rire de Sunar résonne dans l’air chaud et moite de ce début de journée.
Nous traversons un deuxième pont, puis un troisième, prenant peu à peu
de l’assurance. Nous marchons dans le lit caillouteux de la rivière, tantôt montant, tantôt descendant. Il n’est que 8 h 30, mais déjà la chaleur
est pesante et alourdit notre pas. Le cœur, lui, est lourd depuis hier matin, quand nous avons quitté Laprak. Nous croisons une caravane de mulets, chargés de sacs de riz et nous nous rangeons respectueusementsur le côté pour la laisser passer. Plus loin, un hameau nous apparaît comme une oasis dans le désert. Nous nous attablons à l’ombre d’un toit en feuillage,
et nous commandons, pour les plus sages, du coca, pour les plus fous,
de la San Miguel. Isabelle, Annick et Michel sont interpellés par une jeune femme dont le bébé est blessé. Ils s’arrêtent et pansent la plaie.
Nous atteignons à présent de vertes rizières aux nuances presque irréelles.
Un sentiment de sérénité et de douceur flotte dans la moiteur ambiante. Quelques bananiers complètent ce tableau ravissant.
L’émotion de Laprak est revécue par certains qui rencontrent les parents
de leurs filleuls revenant de Gorkha (déjà ! ), chargés de provisions.
Les derniers marcheurs arrivent aux environs de 13 h 30 à Argol, sous un ficus géant, où le déjeuner les attend (salade, pommes de terre, haricots, fromage et petite pomme juteuse ). C’est aussi à cet endroit que Christian rencontre " l’homme à la montre ", un villageois, qui lors d’un précédent passage ( l’an dernier) a demandé à Christian de lui rapporter
une montre, mais, qui, cette année en possède une ! (Ce qui ne l’empêche pas d’attendre la visite de " son ami ").
L’orage se prépare incontestablement. Nous reprenons la marche
et traversons sept petits ponts en rondins, et encore deux grands métalliques suspendus (de quoi faire pâlir de jalousie les funambules !) avant d’arriver sous une pluie battante à Nimal, vers 17 h 30. Certains courageux vont se laver à la rivière, d’autres s’installent à la buvette… mais tous finissent par se mettre à l’abri, vaincus par la pluie. Alors que nous prenons le repas du soir, l’orage se déchaîne dehors.
Nous ne sommes pas très rassurés. Mais concentrons-nous sur le repas
qui est succulent : Dal bhat, poulet, et légumes, et en dessert, un délicieux gâteau d’au revoir.
La dernière nuit sous la tente pourrait être récupératrice sans la présence
d’un volatile de malheur (sans doute un maoïste) qui inlassablement répète que "  les fraises sont mûres " jusqu’au matin.
Cathy Moscato

26 avril
Ce matin, le temps est à la brume. Pendant que nous prenons notre copieux petit déjeuner, l’équipe des porteurs dispatche les vêtements que nous laissons en petits tas, pour préparer la traditionnelle loterie de fin de trek. Cette année, pas de chaussons roses, mais tous les gagnants sont contents
de leur paquet. Après cela, Christian et Alain distribuent les pourboires soigneusement préparés suivant les judicieux conseils de Sunar et Anup.
Puis, c’est le moment d’attaquer la montée vers Gorkha. L’argile rouge
et souple sous nos pieds semble confortable, même si la pente est raide. Toutefois, nous allons très doucement, faisant de nombreux arrêts
( pour ce qui est du groupe des lents, en tout cas ! ).
Un arrêt " concombres " (qu’Anup nous offre gentiment ), un arrêt chocolat! etc. Nous faisons la connaissance du charmant Chandra (qui signifie lune ), le jeune frère de Sunar, qui accompagne le groupe d’Isabelle Saccareau (Association "Voiles sur le Népal "), que nous allons doubler allègrement.
Vers midi, nous arrivons aux portes de Gorkha. Annick n’en peut plus,
et, comme pour se soulager, relâche considérablement son langage,
ce qui ne lui ressemble pas ! Mais, p… ! ça fait du bien !
Après un déjeuner sympathique au soleil, nous effectuons la dernière petite marche qui nous mène jusqu’au bus. Et nous voilà de retour à la civilisation. Le bus démarre vers 14 h, après qu’une jeune et belle népalaise se soit assise à côté de notre craquant Baruléa. Ce dernier semble un peu gêné
de sentir le randonneur auprès d’une si charmante créature.
Mais, nous faisons tout pour le mettre à l’aise en entonnant des chansons de circonstance… Vers 18 h, notre bus s’arrête dans un bouchon occasionné par des grèves contre le Premier Ministre en place, accusé de corruption.
Eh oui, au Népal aussi…
Nous arrivons à l’hôtel aux alentours de 20 h 30, et après quelques difficultés, chacun obtient sa chambre pour passer sa dernière nuit
dans ce pays fabuleux.

Cathy Moscato




 


LES AMIS DE LAPRAK

 


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RECITS DE VOYAGE
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