TREK A LAPRAK 2002
Le préambule de "Babou Christian"
 

Ce 5ème trek à Laprak (déjà !) aura été une grande réussite et je tiens à remercier ici chaleureusement tous les membres du groupe pour ce beau succès, ces moments de joie et d’émotion que nous avons vécus ensemble en parfaite symbiose et en pleine harmonie.
Merci à chacun d’avoir prêté sa plume pour poser sur le papier tous ces beaux souvenirs communs, mémorables et lumineux, et de permettre ainsi que
nous les revivions longtemps encore.
Je voudrais dédier ce livret à tous nos amis népalais, à Rajendra et ses collègues, à Sunar et son équipe, à tous les porteurs que nous admirons infiniment et surtout bien sûr à tous les enfants de Laprak, que nous aimons et qui ont une place privilégiée dans notre cœur.
Par ce petit poème sans prétention, écrit dans la nostalgie du retour quelque part entre Katmandou et Paris, et voulant témoigner de mon attachement
à ma filleule, je voudrais adresser à tous les petits laprakis, et en notre nom à tous, un hommage affectueux et les assurer que nous continuerons à œuvrer avec détermination et enthousiasme pour améliorer un peu leur quotidien et leur permettre d’aller à l’école dans des conditions décentes pour un futur
plus serein…

Namaskar !

Christian                                                                                 Quelques photos

 

 

 

 

 

 

 

 


LES AMIS DE LAPRAK

 


ACCUEILCALENDRIER  DONS ET PARRAINAGES CONTACTS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                          Les yeux de Bis Maya

                          Petite fille aux yeux de feu,
                          En avril dans la lumièr’ bleue
                          Du riant printemps népalais,
                          Silhouette gracile qui paraît…

                          Tu m’attends au bout du sentier,
                          Timide et les yeux baissés,
                          Tu offres des fleurs de bienvenue
                          Dans le creux de mes mains émues.

                          Petite fille aux yeux d’argent,
                          Aujourd’hui, c’est moi qui t’attends.
                          Pose un instant ton lourd fardeau,
                          Laisse ton cœur voler très haut.

                          Parés de fleurs au goût de miel
                          Accroche tes rêves à l’arc-en-ciel.
                          Petite fille aux grands yeux sages,
                          Par delà montagnes et nuages…

                          Rejoins le pays merveilleux
                          Où tous les enfants sont heureux,
                          Où la vie se passe à chanter,
                          A conjuguer le verbe aimer.

                          Petite fille aux yeux miroirs,
                          Toi que je veux fêter ce soir,
                          Comme par magie va se remplir
                          Ton doko de chants et de rires,

                          De joie, de tendresse à foison,
                          De doux baisers par millions.
                          Petite fille aux yeux velours,
                          Pour toi je voudrais que toujours

                          La vie soit douce, simple et facile,
                          O Kumari belle et fragile,
                          Que le bonheur soit dans le pré,
                          Blondes moissons, tendres années.

                          Petite fille aux yeux de lune,
                          Quand Laprak s’habille de brume,
                          Que la neige en blanc peint les toits
                          Et que ton petit cœur a froid…

                          A toi, très fort, je penserai,
                          Une prière j’adresserai
                          Pour que fleurissent en toutes saisons
                          L’amour et le rhododendron.
                          Christian

30 mars
Réveil 5 heures.
6 heures : le ciel s’embrase d’un rouge profond puis le gris estompe cette lueur. Ciel couvert. 6 heures 50 : on descend vers la gare, Aldo conduit.
Lili a couché à la maison. On est très en avance. La gare. Au revoir.
Le train démarre. Il est 7 heures 50. TGV. Je bouquine le guide sur le Népal. Passages intéressants sur la notion de mendicité qui remettent un peu
en place mes errances entre mon cœur de midinette, ma conscience
de chrétienne embourgeoisée et ma pitié à peine compatissante pour
ces SDF tendant la main place Grenette, nuque basse ou non.
"Ne jamais encourager ce comportement " dit le guide. " Répondre à la demande des enfants de la rue est une arme à double tranchant. L’attrait de l’argent facile risque fort de les inciter à se satisfaire de la mendicité… Plutôt
que de conforter ce comportement vous pouvez choisir de réserver
vos achats d’artisanat aux organisations qui vendent directement
les productions villageoises " Il faut néanmoins savoir que l’aumône
est une pratique encouragée à la fois par le bouddhisme et l’hindouisme. Certains mendient par ascétisme, tels les sâdhus (saints hommes), d’autres par misère. Il faut une grande noblesse spirituelle
pour transformer ce geste de main tendue (considérée comme une indignité sous nos horizons capitalistes) en une étape vers le Nirvana,
sous des cieux moins privilégiés.

Paris : 13 heures.
Gare animée mais sage. On prend un café sur la terrasse. Il fait frais.
Un moineau vient se poser à quelques centimètres de ma tête,
à la recherche d’une miette providentielle. Maintenant il faut se diriger
vers l’aéroport d’ORLY. On se renseigne à l’accueil qui nous conseille le RER. En fait cette solution n’est pas la plus économique. On l’apprendra au retour en voyageant avec des moins novices que nous. Après quelques errances dans les couloirs, traînant en haletant nos bagages derrière nous,
nous faisons un premier arrêt prolongé au distributeur informatisé
de billets.Plusieurs personnes se succèdent et restent perplexes devant
la complexité du processus, pianotant au hasard sur l’écran.
Certains renoncent. Profitant des essais et erreurs de mes jeunes prédécesseurs, je repère mon " programme " Waou ! 17 euros.
J’ai pas assez de monnaie. Heureusement Lili a une carte bleue. Un peu plus loin un peu plus tard, au bar nous prenons un sandwich et un Vittel.
L’heure du départ approche. Calmes nous étions, calmes nous restons. 14h30 : nous retrouvons le groupe arrivant de Belfort. Bises. Très longue attente pour le check-in. On égrène les nouvelles. Premier émoi :
à Katmandou, hier, un attentat a fait une trentaine de morts.
Deuxième scoop : grève générale à Katmandou pour 4 jours à partir
de mardi. Il est décidé illico de partir pour Laprak directement lundi au lieu de mardi, pour éviter d’être bloqués en ville. Après la queue au check-in, c’est la file interminable pour le contrôle douanier. C’est bien long !
On va louper notre avion ! Plaisanteries. Echanges de banalités pour combler le temps. Catherine et Anne nous rapportent leur mécontentement
de clientes rabrouées au rayon des parfums. Elles avaient l’habitude,
lors de leurs passages dans les aéroports, de s’entourer d’un bon nuage
de fragrances de choix distillées gracieusement par des distributeurs
à disposition des passants. Ici  elles furent accueillies par un sévère :
"C’est pour essayer ou pour acheter ?"  Elles étaient offusquées. Comment, on peut même plus se parfumer à notre aise ? Quelle époque ! Enfin, chacun passe " aux rayons " Epique. L’un doit enlever sa ceinture, contraint
de retenir son pantalon, d’autres quitter leurs chaussures au risque d’odeurs
qui n’ont rien d’Anaïs, Anaïs.. Soudain, un cri étouffé : " J’ai perdu mon passeport avec ma carte d’embarquement ! "C’est Catherine, à peine remise de sa précédente frustration. Elle s’agite au portillon. On s’inquiète juste
ce qu’il faut autour d’elle : pas d’affolement on va te le retrouver. Ainsi fut fait. Anne pleine d’initiative alla bousculer la table de contrôle
où elle suspectait un indice. Bien joué, inspecteur : les papiers étaient bien tombés là. Nous voilà dans le zinc. Pas de cafards, pas de vomi comme
nous l’avait prédit Cathy. Bonne augure. On s’installe. On décolle.
Puis chacun organise son voyage : lecture, écriture, repos ou bavardage.
Avec mon voisin qui se trouve être le dévoué trésorier de l’association (Alain le bien-nommé) on refait le monde pendant 1 heure. A mesure que la nuit s’allonge la conversation se fait plus profonde. Entre ciel et terre on peut parfois se prendre pour des philosophes. On aborde des sujets très variés :
la politique, l’économie, la vieillesse et enfin … la mort. Glups. Le plateau repas fut un break apprécié : subtil parfum de curry pimenté sur un poulet auréolé de riz, crudités, gâteau (mousse-citron) Une chorégraphie s’ébauche dans les allées. Des croisements serrés, des attentes plus ou moins dandinantes, des retours soulagés. Elle s’achève peu à peu dans
des bâillements et des étirements qui annoncent la fin du programme.
Les " danseurs " fatigués s’évertuent sur leur siège : ils tentent toutes sortes de poses plus ou moins avachies, avec des sursauts soupirants.
Des pieds tentent de s’échapper des fauteuils dans les allées. Des genoux grincent, des chaussures tombent avec un bruit mou, des têtes commencent à ballotter, des mentons s’affaissent sur des poitrines effondrées. L’humanité qui s’endort manque parfois de charme
et de poésie. Tous ces corps qui se défont, ces fausses élégances
qui se ratatinent, ces cheveux qui s’émancipent et se rebellent, ces yeux qui se gonflent et se plissent comme des vieux chiffons, ces bouches
qui exhalent des borborygmes incongrus, ces ventres déboutonnés
qui s’offrent sans retenue aux regards hagards de ceux que le sommeil
ne fait qu’effleurer. D’innocents oreillers tentent d’échapper aux exactions impitoyables de mauvais coucheurs en se laissant glisser mollement entre deux sièges à la moindre occasion. Mauvais calcul. Ils seront bientôt récupérés avec force et fracas et subiront les pires sévices : torsions, compressions, coups de poing. Certains finiront écrabouillés et asphyxiés sous des fesses plombées de sombres senteurs nocturnes. Sans parler
de ces sournoises attaques du dossier du voisin de devant qui soudain s’abat sur vous alors qu’enfin vous commenciez à flotter dans les subtiles vapeurs d’un premier sommeil cotonneux. Pas de miracle dans ces surfaces réduites : tout espace resquillé par l’un se traduit par un recroquevillement défait de l’autre. Quelques rares individus aux pieds gonflés se la jouent zen, contractant et relâchant les muscles de leurs mollets, soulevant
et abaissant leurs talons en petites vagues montantes et descendantes, arborant des airs de méditant inspiré.
Tous les feux sont éteints. Quelques plus rares individus ont l’audace
de provoquer leurs voisins en allumant subitement leur plafonnier, laissant tomber une lourde poutre de lumière en diagonale qui éclabousse brutalement la nuit. " Vous pouvez pas dormir comme tout le monde ? " Non ! Je peux pas! Alors je bouquine, j’écris, j’écoute Bach ou je farfouille dans mon sac à la recherche du temps qui passe. Et la nuit finit par finir.
Et enfin les plafonniers s’illuminent tous en même temps. Finie la tranquillité moite de ces nuits volées en plein ciel. C’est l’heure de la collation du matin.
Le va et vient des danseurs tout froissés par leur nuit agitée va reprendre. La vie se réveille avec des courbatures et va bientôt déjeuner.
Jocelyne

30 mars et  31 mars
D’abord le train… quelques heures qui passent finalement assez vite : l’excitation du voyage y est pour beaucoup. Après les choses se corsent : arrivé à Paris, le groupe prend deux taxis pour Orly sud. Là, il faut attendre l’enregistrement des bagages et vu le temps que l’on y passe, cela permet
aux membres du groupe de faire connaissance. Evidemment rien ne se passe comme prévu ; les contrôles se sont bien sûr multipliés mais leur efficacité
est plus que douteuse et les files d’attentes monstrueuses.
Enfin, on monte dans l’avion et à 18h30 celui -ci décolle (avec une heure
de retard). Une autre épreuve se présente alors : environ neuf heures
de trajet dans un espace individuel très réduit et bien sûr des voisins particulièrement soucieux de notre confort : coups dans le dos, siège
de devant basculé au maximum sont le lot commun (Bernard a notamment bien sympathisé avec son voisin de devant…). Tout le monde essaie
de dormir avec plus ou moins de réussite et ceux qui n’y arrivent pas continuent de converser afin de mieux se connaître. Puis la délivrance : nous arrivons à Kathmandu où nous sommes accueillis par … la pluie !
Bien évidemment l’équipe de Trinetra nous accueille chaleureusement avec
de magnifiques colliers de fleurs avant de nous conduire au bus qui nous emmènera à l’Hôtel Harati. Dans le bus, le choc est pour moi immense :
je réalise pleinement à cet instant que je suis en Asie et donc très loin
de la France. J’accuse le coup et, en voyant les premières collines entourant la ville, je dois retenir mes larmes ! (larmes que je ne retiendrai pas
à l’arrivée à Laprak). Jamais je n’oublierai cette sensation d’émerveillement et de bonheur mêlés 
!
A l’arrivée à l’hôtel tout le monde ne rêve que d’une chose : se reposer
mais la tentation de découvrir Kathmandu est trop forte… Cathy et Alain
qui connaissaient déjà la ville vont faire des achats et je les accompagne.
Je découvre une ville magnifique et pleine de vie : moi qui ai horreur
de la foule, je suis pourtant émerveillé ! Le bruit, les odeurs, pas toujours exquises certes …, tout est enivrant. Pendant les achats, je discute
avec des personnes inconnues mais pourtant si amicales et courtoises :
 

là, c’est sûr, on n’est plus en France ! Puis c’est déjà le moment de rentrer
à l’Hôtel Harati pour rejoindre le groupe et aller au restaurant tibétain Dechenling. On se balade à travers différents quartiers pour arriver enfin
à ce restaurant dont le cadre est magnifique .C’est dans ce restaurant
que je goutte pour la première fois la célèbre bière San Miguel
et que je m’empiffre des délicieux momos, les raviolis tibétains. La soirée
se passe donc très bien mais il faut rentrer car le lendemain une journée bien chargée nous attend. Nous rentrons alors à l’hôtel et gagnons nos chambres où nous trouvons vite le sommeil : l’aventure ne fait que commencer…

Guillaume

1er avril
Après une bonne nuit de récupération à l’hôtel Harati, un réveil à 5 h 30 suivi d’un copieux petit déjeuner, nous montons dans le petit car qui nous emmène à Gorkha.
Quelques porteurs ont déjà chargé nos bagages sur le toit.
Tout cela avec un jour d’avance car une grève générale est prévue
pour le lendemain et Sunar ne veut prendre aucun risque. Nous partons donc à 7 h 15 en prenant les petites rues de Katmandou déjà remplies de monde. La conduite au Népal est simple. Tout au klaxon et les piétons, cyclistes, voitures s’écartent. Nous sortons  de l’agglomération et nous nous arrêtons
à un point de vue avant de plonger dans la vallée. La conduite devient terrifiante pour nous et le klaxon devient langage. Deux petits coups pour dire j’arrive ou je double, un coup en réponse veut dire d’accord.
S’il n’y a pas ce dernier, on passe en force avec la main sur l’avertisseur sonore. On double partout, dans les virages, sur la ligne blanche etc…
celui qui vient en  face est parfois obligé de s’arrêter et ça passe
au centimètre près. On passe plusieurs péages (limite de district)
et à certains, les népalais sont obligés de descendre des véhicules
et de passer devant une table avec des militaires fouillant les sacs.
Il faut dire que beaucoup d’entre eux se déplacent en autocar. La situation est particulière puisque la guérilla meurtrière avec les maoïstes est de plus en plus fréquente d’où ces contrôles. En plus des transports en commun,
il y a les fameux camions " tata " superbement décorés. Ils roulent
à la vitesse maximum de 40 km / h. Beaucoup d’animations pendant
ce voyage, nous prenons en chemin Monsieur " Santos ", le père
du maire de Laprak : un petit monsieur courbé tenant à la main un bâton, souriant et alerte. Christian nous raconte que 2 ans auparavant, il était condamné à ne plus marcher suite à une maladie… Par la suite nous l’avons vu marcher comme " un népalais ". Nous rencontrons aussi des femmes transportant du bois, cassant des cailloux avec des enfants
. Notre premier repas local et aussi notre premier " daal bhat ",  le plat national, est pris
en cours de route à 11H00 à Mugling. L’arrivée à Gorkha se fait à 13H30.
Notre trek commence vraiment !
Les porteurs sont là et avec une efficacité remarquable embarquent
nos lourds bagages. Dès que nous nous éloignons de la ville,
nous échangeons des " namasté " que nous prononcerons des centaines
de fois au cours d’une journée. Nous traversons les premiers villages, admirons les champs en terrasse qui caractérisent si bien le Népal.
Les paysans sont dans les champs : hommes, femmes, enfants ; ils labourent
le moindre lopin de terre, tout se fait à la main, parfois avec un ou deux zébus et une herse. Que les paysages sont magnifiques ! Les femmes sont belles avec leurs vêtements colorés (du rouge avec du rose / du rouge avec du bleu…). Les enfants accourent pieds nus en nous apercevant
et nous déversent des pluies de " Namasté ". Que de sourires ! 
Que d’émotions ! Je me rends compte à quel point la différence (culturelle, paysages…) est fantastique, enrichissante et qu’il est essentiel
de la préserver, de la défendre. L’uniformisation que veulent nous imposer
les dominants (l’occidentalisation) est révoltante. Que les népalais sachent garder leur culture / leur valeur / leur mode de vie… Plus de partage
des richesses, d’équité entre le nord et le sud leur permettraient d’accéder
à l’éducation, à la santé, droits fondamentaux. (sentiment ressenti ce jour
là par Françoise).
Nous descendons 600 m de dénivelé. Nous croisons les habitants ou ceux-ci nous dépassent avec beaucoup d’agilité.
Après 4 heures de marche, nous arrivons à notre campement situé à côté d’un village au milieu des rizières et d’un cours d’eau. Tout est prêt :
les tentes
sont montées, nos bagages sont déjà là. Les enfants du village viennent nous rejoindre. Daniel déplie sa carte et les enfants l’entourent.
Il leur montre où nous sommes et notre itinéraire jusqu’à Laprak.
Ils sont ravis. Notre première soirée en bivouac n’a été que légèreté dans nos discussions / de fous rire (pour le groupe : rappelez-vous les sujets
sur la constipation / réflexologie…).
Un point sérieux, nous avons découvert des lucioles. Nous rejoignons notre couchage un peu fatigués. Aujourd’hui la marche a été une mise en jambes, demain commence le vrai trek.
Françoise et Daniel

Mardi 2 avril
Réveil, 6 heures, par une troupe de népalais babillant " Namasté ".
Ils apportent le thé brûlant en ouvrant la fermeture-éclair de notre abri. Nous allons nous habituer à ces levers accompagnés, mais pour l’instant que faire de ce thé dans la tente… il brûle ! Suit une cuvette d’eau chaude pour la toilette, pas facile de la faire dans cet espace exiguë et dehors,
il y a du monde tout autour. Françoise se met à genou pour se passer
le  gant et moi ; à l’entrée, il faut s’organiser. Après rangement de nos gros sacs à destination des porteurs, rendez-vous sous la tente commune
pour le petit-déjeuner : nos accompagnateurs attentionnés présentent
trois énormes bouilloires de thé, lait, eau… Bien installés sur nos pliants, certains bien vifs déjà, les autres moins ! , nous savourons des toasts grillés, du beurre-qu’on-nomme-rance , mais c’est à tort car lorsqu’il est légèrement tartiné sur le pain, il ne laisse qu’un goût gras, des confitures, des céréales avec " milk et sukker "une fine omelette servie sur un toast, qui n’a pas l’air du goût d’Alain… Tout cela déposé sur la plastique-nappe bleue.
En peu de temps, tout est rangé ficelé, placé sur les dos qui ont l’air
de se voûter depuis des siècles pour recevoir cette charge dans des paniers arrimés au front par des sangles : " les dokos ".
En route. Nous suivons en effet une " route ", c’est plutôt un chemin forestier qui longe et surplombe la rivière... Soudain, Sunar nous stoppe :
en bas, il se prépare quelque chose : un attroupement d’hommes assez silencieux devant un agencement de branchages d’où émerge un tissu bleu : la tête du mort : c’est une crémation qui se prépare au bord de la rivière parmi les galets, un mince filet de fumée s ‘élève… Nous nous éloignons
pour ne pas être indiscrets. Le chemin devient plus escarpé, nous sommes
à 5m du bas. Cathy ne peut plus avancer, elle a le vertige, et nous l’aidons ; plus tard, nous longerons des précipices bien plus importants et elle courra comme un lapin…
Nous traversons des villages, des rizières, petites langues de terre vert fluorescent, bien ouvragées, ourlées de leur bourrelet de terre noire,
ou serpente un savant écoulement d’eau ; dans certaines, les femmes font des bouquets de plants qui seront repiqués dans d’autres.
La campagne est très habitée : des gens portent sur les chemins, partout raisonnent les cris des enfants, les cris des coqs dès 7h30-8h du matin,
et même dans les endroits les plus agricoles, les magnifiques saris
des femmes jaillissent çà et là : taches de couleur rose indien, rouge pourpre, rouge foncé… Que serait le paysage, les villages, sans ces femmes, somptueusement parées… Puissent-elles longtemps résister à la modernité
du costume, l’uniformité des jeans et garder leurs traditions chatoyantes. (Dans ma valise, au retour, il y aura beaucoup de tissus indiens, de la soie, un sari… !) On continue… Halte dans un village sous un bel arbre au frais ombrage (châtaignier ?) Nous attendons les autres… " Tiens, dit Sunar,
de la marijuana ! " Il envoie cueillir une tige vert tendre aux feuilles très découpées et très odorantes… ! Une demi-heure d’attente déjà…
Que font-ils à l’arrière ? Bientôt Guillaume arrive en courant, rouge
et haletant. " Il faut envoyer Hélène pour soigner un enfant ! … ", mais, Hélène, notre infirmière suisse, est fatiguée. Ce sera Daniel qui ramena
le groupe, l’enfant et la mère. Je reconnaissais celui que j’avais vu sur
le chemin avec une joue enflée et abîmée et qui m’avait paru avoir reçu
un début de soins. S’en suit une polémique qui durera une heure :"on ne peut pas le laisser comme cela, il va perdre son œil ". Hélène ne peut pas grand chose car le coton est très incrusté dans la joue. Faut-il soigner ?
Il a de la fièvre, les ganglions enflés. Finalement Hélène applique une compresse antiseptique et  le groupe redémarre, non sans avoir été sollicité ensuite par une mère " dont-le-petit-a-mal-au-ventre ", le garçon d’une autre a des croûtes sur la tête…  Nous aurons encore, par la suite,
de grandes discussions passionnées sur le problème des soins à apporter
ou non, des petits à transporter avec les mères vers un médecin ou un hôpital ou non…
La route continue : dans un village, à l’abri dans une caverne, un moulin
à eau qui devrait broyer des céréales… mais il ne tourne pas… Bientôt
des gouttes… vite les capes ! C’est la pluie qui tombe bientôt violemment. Tous aux abri dans une bergerie ; sur un banc, serrés les uns contre
les autres, " Poussez-vous les vaches ! " On est bien et bientôt envahis
par une grappe d’enfants… hop ! sur les genoux ! Six yeux nous fixent
en haut des planches dans la pénombre… Ca sent la vache…
La pluie se calme.
Anup " Il faut partir "… Un quart d’heure plus tard, sur le chemin,
des trombes d’eau ruissellent de plus belle, encore une bergerie,
on se pousse les uns contre les autres, tandis que les vaches prennent toute la place : nous sommes au Népal… Ce soir-là, il n’y aura pas
de bivouac, mais la sécurité d’une maison au village pour notre sommeil… que personne ne trouvera d’ailleurs avant une heure avancée de la nuit,
tant le fracas de l’orage sur la tôle ondulée est grand !…
Accompagnée de Bikas pour interprète, j’achète quelques souvenirs
dans les boutiques. J’avise Michel qui boit de l’alcool local, assis sur les marches du bar. Finalement, j’offre une bière (la San Miguel est très bonne au Népal) à tout le monde, Sunar et ses deux copains s’étant joints à nous, et nous allons déguster le régal de Sunar : du poisson fumé fortement épicé, dans un autre troquet appelé  " lodge "…
Claudine

3 avril
Après une nuit de pluie violente et d’orage passée à dormir chez l’habitant, nous nous préparons à une dure journée de montée par un petit déjeuner consistant : œufs sur des toasts et bouillie à base de lait et de céréales.
Le beau temps est par bonheur au rendez-vous. Chacun essaie
de rassembler ses affaires et ses  sacs tous entassés dans une seule pièce, celle qui a servi de dortoir. Voilà tout le monde est prêt. Nous partons.
Nous longeons le lit de la rivière asséchée pendant environ 40 mn et nous arrivons à un petit village qui est juste de l’autre côté d’un de ces fameux ponts suspendus qui bouge quand on passe dessus ! Après avoir traversé
ce pont et s’être rendu compte qu’on était toujours en vie…, nous faisons une petite pause dans le village. Bikas, la star et l’artiste de  l’équipe,
nous fait un petit numéro en jonglant avec des œufs.
Cette fois c’est du sérieux. Nous entamons une montée " grave ".
Nous montons encore et encore, toute la matinée, et, ouf, comme
par miracle, nos charmants cuisiniers nous attendent au sommet d’un petit village pour nous offrir de l’orangeade et nous servir le déjeuner. Il fait beau et chaud et nous sommes heureux que cette montée se termine pour
1 heure environ. Les enfants du village sont vers nous et nous observent. Jocelyne les fait parler et les enregistre avec son dictaphone.
Ils sont impressionnés d’écouter leur voix, puisque c’est certainement la 1ère fois qu’ils s’entendent parler et chanter. Christian souhaite marier Anup ;
il lui propose toutes les Goras célibataires en ventant la dot de chacune. Mais aucune ne remporte le beau Anup. Après ces quelques plaisanteries, nous enfilons à nouveau nos chaussures, et nous repartons pour une série
de montées en direction de Barpak. Nous nous débrouillons finalement assez bien puisqu’à 14 heures nous arrivons à Barpak. Le temps est nuageux,
si bien qu’on n’aperçoit pas les montagnes.
Les enfants nous entourent et nous observent. L’équipe de Sunar, nos amis Gurungs, s’affairent à monter nos tentes dans la cour du village et à répartir nos sacs que les porteurs viennent d’amener. Chacun s’installe et bientôt,
la plupart se balade au centre du village. Rajendra émet alors l’idée d’agrandir
le complexe scolaire du haut, celui où est installé notre campement.
Le terrain appartient au village, et en agrandissant l’existant, une part importante des matériaux pourra être recyclée, l’idée semble bonne
et monopolisera les discussions de la remontée et la plupart de celles d’après.

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