Les yeux de Bis Maya
Petite fille aux yeux de feu,
En avril dans la lumièr’ bleue
Du riant printemps népalais,
Silhouette gracile qui paraît…
Tu m’attends au bout du sentier,
Timide et les yeux baissés,
Tu offres des fleurs de bienvenue
Dans le creux de mes mains émues.
Petite fille aux yeux d’argent,
Aujourd’hui, c’est moi qui t’attends.
Pose un instant ton lourd fardeau,
Laisse ton cœur voler très haut.
Parés de fleurs au goût de miel
Accroche tes rêves à l’arc-en-ciel.
Petite fille aux grands yeux sages,
Par delà montagnes et nuages…
Rejoins le pays merveilleux
Où tous les enfants sont heureux,
Où la vie se passe à chanter,
A conjuguer le verbe aimer.
Petite fille aux yeux miroirs,
Toi que je veux fêter ce soir,
Comme par magie va se remplir
Ton doko de chants et de rires,
De joie, de tendresse à foison,
De doux baisers par millions.
Petite fille aux yeux velours,
Pour toi je voudrais que toujours
La vie soit douce, simple et facile,
O Kumari belle et fragile,
Que le bonheur soit dans le pré,
Blondes moissons, tendres années.
Petite fille aux yeux de lune,
Quand Laprak s’habille de brume,
Que la neige en blanc peint les toits
Et que ton petit cœur a froid…
A toi, très fort, je penserai,
Une prière j’adresserai
Pour que fleurissent en toutes saisons
L’amour et le rhododendron.
Christian
30 mars
Réveil 5 heures.
6 heures : le ciel s’embrase d’un
rouge profond puis le gris estompe cette lueur. Ciel couvert.
6 heures 50 : on descend vers la gare, Aldo conduit. Lili a couché à la maison.
On est très en avance. La gare. Au revoir. Le train démarre. Il est 7 heures 50.
TGV. Je bouquine le guide sur le Népal. Passages intéressants sur la notion
de mendicité qui remettent un peu en place mes errances entre mon cœur
de midinette, ma conscience de chrétienne embourgeoisée et ma pitié à peine
compatissante pour ces SDF tendant
la main place Grenette, nuque basse
ou non.
"Ne jamais encourager ce comportement " dit le
guide. " Répondre à la demande des enfants de la rue est
une arme à double tranchant. L’attrait
de l’argent facile risque fort de les inciter à se satisfaire de la mendicité…
Plutôt que de conforter ce comportement vous pouvez choisir de réserver vos
achats d’artisanat aux organisations qui vendent directement les productions
villageoises "
Il faut néanmoins savoir que l’aumône est une pratique encouragée à la fois par
le bouddhisme et l’hindouisme. Certains mendient par ascétisme, tels les sâdhus
(saints hommes), d’autres par misère.
Il faut une grande noblesse spirituelle pour transformer ce geste de main tendue (considérée comme une indignité sous
nos horizons capitalistes)
en une étape vers le Nirvana, sous des cieux moins privilégiés. Paris : 13 heures. Gare animée mais sage. On prend un café sur la terrasse. Il fait frais.
Un
moineau vient se poser à quelques centimètres
de ma tête, à la recherche d’une miette providentielle. Maintenant il faut se
diriger vers l’aéroport d’ORLY. On se renseigne à l’accueil qui nous conseille
le RER. En fait cette solution n’est pas la plus économique. On l’apprendra au
retour en voyageant avec des moins novices que nous. Après quelques errances
dans les couloirs, traînant en haletant nos bagages derrière nous, nous faisons
un premier arrêt prolongé au distributeur informatisé de billets.Plusieurs personnes se succèdent
et restent perplexes devant la complexité du processus, pianotant au hasard
sur l’écran. Certains renoncent. Profitant des essais et erreurs de mes jeunes
prédécesseurs, je repère mon " programme " Waou ! 17 euros.
J’ai pas assez de
monnaie. Heureusement Lili a une carte bleue. Un peu plus loin un peu plus tard,
au bar nous prenons un sandwich et un Vittel. L’heure du départ approche. Calmes
nous étions, calmes nous restons. 14h30 : nous retrouvons le groupe arrivant de
Belfort. Bises.
Très longue attente pour le check-in.
On égrène les nouvelles. Premier émoi : à Katmandou, hier, un attentat a fait
une trentaine de morts. Deuxième scoop : grève générale à Katmandou pour 4 jours
à partir de mardi. Il est décidé illico de partir pour Laprak directement lundi
au lieu de mardi, pour éviter d’être bloqués en ville. Après la queue au
check-in, c’est
la file interminable pour le contrôle douanier. C’est bien long ! On va louper
notre avion ! Plaisanteries. Echanges
de banalités pour combler le temps. Catherine et Anne nous rapportent leur
mécontentement de clientes rabrouées
au rayon des parfums. Elles avaient l’habitude, lors de leurs passages dans
les aéroports, de s’entourer d’un bon nuage de fragrances de choix distillées
gracieusement par des distributeurs à disposition des passants. Ici elles furent accueillies par un sévère :
"C’est pour essayer ou pour acheter ?" Elles étaient offusquées. Comment, on
peut même plus se parfumer à notre aise ? Quelle époque !
Enfin, chacun passe " aux rayons " Epique. L’un doit enlever sa ceinture,
contraint de retenir son pantalon, d’autres quitter leurs chaussures au risque d’odeurs
qui n’ont rien d’Anaïs, Anaïs..
Soudain, un cri étouffé : " J’ai perdu mon passeport avec ma carte
d’embarquement ! "C’est Catherine, à peine remise de sa précédente frustration. Elle s’agite
au portillon. On s’inquiète juste ce qu’il faut autour d’elle : pas d’affolement
on va te le retrouver. Ainsi fut fait. Anne pleine d’initiative alla bousculer
la table
de contrôle où elle suspectait un indice. Bien joué, inspecteur : les papiers
étaient bien tombés là. Nous voilà dans le zinc. Pas de cafards, pas de vomi
comme nous l’avait prédit Cathy. Bonne augure.
On s’installe. On décolle. Puis chacun organise son voyage : lecture, écriture,
repos ou bavardage. Avec mon voisin qui se trouve être le dévoué trésorier de l’association (Alain
le bien-nommé) on refait le monde pendant
1 heure. A mesure que la nuit s’allonge
la conversation se fait plus profonde. Entre ciel et terre on peut parfois
se prendre pour des philosophes.
On aborde des sujets très variés : la politique, l’économie, la vieillesse
et enfin … la mort. Glups. Le plateau repas fut un break apprécié : subtil
parfum
de curry pimenté sur un poulet auréolé
de riz, crudités, gâteau (mousse-citron) Une chorégraphie s’ébauche dans les
allées. Des croisements serrés,
des attentes plus ou moins dandinantes, des retours soulagés. Elle s’achève peu
à peu dans des bâillements et des étirements qui annoncent la fin du programme.
Les " danseurs " fatigués s’évertuent sur leur siège : ils tentent toutes sortes
de poses plus ou moins avachies, avec des sursauts soupirants. Des pieds tentent
de s’échapper
des fauteuils dans les allées. Des genoux grincent, des chaussures tombent avec
un bruit mou, des têtes commencent à ballotter, des mentons s’affaissent sur
des poitrines effondrées. L’humanité
qui s’endort manque parfois de charme et de poésie. Tous ces corps qui se défont, ces fausses élégances
qui se
ratatinent, ces cheveux qui s’émancipent et se rebellent, ces yeux qui se
gonflent et se plissent comme des vieux chiffons, ces bouches qui exhalent des
borborygmes incongrus, ces ventres déboutonnés qui s’offrent sans retenue aux
regards hagards de ceux que le sommeil ne fait qu’effleurer. D’innocents
oreillers tentent d’échapper aux exactions impitoyables de mauvais coucheurs en
se laissant glisser mollement entre deux sièges à la moindre occasion. Mauvais
calcul. Ils seront bientôt récupérés avec force et fracas et subiront
les pires sévices : torsions, compressions, coups de poing. Certains finiront
écrabouillés et asphyxiés sous des fesses plombées de sombres senteurs
nocturnes. Sans parler de ces sournoises attaques
du dossier du voisin de devant qui soudain s’abat sur vous alors qu’enfin vous
commenciez à flotter dans les subtiles vapeurs d’un premier sommeil cotonneux.
Pas de miracle dans ces surfaces réduites : tout espace resquillé par l’un
se traduit par un recroquevillement défait de l’autre.
Quelques rares individus aux pieds gonflés se la jouent zen, contractant et
relâchant les muscles de leurs mollets, soulevant et abaissant leurs talons
en petites vagues montantes
et descendantes, arborant des airs
de méditant inspiré. Tous les feux sont éteints. Quelques plus rares individus ont l’audace
de
provoquer leurs voisins en allumant subitement leur plafonnier, laissant tomber
une lourde poutre de lumière en diagonale
qui éclabousse brutalement la nuit.
" Vous pouvez pas dormir comme tout le monde ? " Non ! Je peux pas! Alors je
bouquine, j’écris, j’écoute Bach ou
je farfouille dans mon sac à la recherche du temps qui passe. Et la nuit finit
par finir. Et enfin les plafonniers s’illuminent tous en même temps. Finie la
tranquillité moite de ces nuits volées en plein ciel. C’est l’heure de la
collation du matin. Le va et vient des danseurs tout froissés par leur nuit agitée va reprendre. La
vie
se réveille avec des courbatures et va bientôt déjeuner.
Jocelyne
30 mars et 31 mars
D’abord le train… quelques heures qui
passent finalement assez vite : l’excitation du voyage y est pour beaucoup.
Après les choses se corsent : arrivé
à Paris, le groupe prend deux taxis pour Orly sud. Là, il faut attendre
l’enregistrement des bagages et vu
le temps que l’on y passe, cela permet aux membres du groupe de faire connaissance. Evidemment rien ne se passe comme
prévu ; les contrôles se sont bien sûr multipliés mais leur efficacité est plus que douteuse et les files d’attentes monstrueuses. Enfin, on monte dans l’avion et à 18h30 celui -ci décolle (avec une heure
de
retard). Une autre épreuve se présente alors : environ neuf heures de trajet
dans un espace individuel très réduit et bien sûr des voisins particulièrement
soucieux
de notre confort : coups dans le dos, siège de devant basculé au maximum sont le
lot commun (Bernard a notamment bien sympathisé avec son voisin de devant…).
Tout le monde essaie de dormir avec plus ou moins de réussite et ceux qui n’y
arrivent pas continuent de converser afin de mieux se connaître. Puis la
délivrance : nous arrivons à Kathmandu où nous sommes accueillis par … la pluie
! Bien évidemment l’équipe de Trinetra
nous accueille chaleureusement avec de magnifiques colliers de fleurs avant
de nous conduire au bus qui nous emmènera à l’Hôtel Harati. Dans le bus,
le choc est pour moi immense : je réalise pleinement à cet instant que je suis
en Asie et donc très loin de la France. J’accuse le coup et, en voyant
les premières collines entourant la ville,
je dois retenir mes larmes ! (larmes que
je ne retiendrai pas à l’arrivée à Laprak). Jamais je n’oublierai cette
sensation d’émerveillement et de bonheur mêlés !
A l’arrivée à l’hôtel tout le monde ne rêve que d’une chose : se reposer
mais
la tentation de découvrir Kathmandu est trop forte… Cathy et Alain qui
connaissaient déjà la ville vont faire des achats et je les accompagne. Je
découvre une ville magnifique et pleine de vie : moi qui ai horreur de la foule,
je suis pourtant émerveillé ! Le bruit, les odeurs, pas toujours exquises certes
…, tout est enivrant. Pendant les achats, je discute avec des personnes
inconnues mais pourtant si amicales et courtoises : |
là, c’est sûr, on n’est plus en France ! Puis c’est déjà le moment de rentrer
à
l’Hôtel Harati pour rejoindre le groupe et aller au restaurant tibétain
Dechenling.
On se balade à travers différents quartiers pour arriver enfin
à ce restaurant
dont le cadre est magnifique .C’est dans ce restaurant
que je goutte pour la
première fois la célèbre bière San Miguel
et que
je
m’empiffre des délicieux momos,
les raviolis tibétains. La soirée
se passe donc très bien
mais
il faut rentrer car le lendemain une journée bien chargée nous attend.
Nous rentrons alors à l’hôtel et gagnons nos chambres où nous trouvons vite
le sommeil : l’aventure ne fait que commencer…
Guillaume
1er avril
Après une bonne nuit de récupération
à l’hôtel Harati, un réveil à 5 h 30 suivi d’un copieux petit déjeuner,
nous montons dans le petit car qui nous emmène
à Gorkha.
Quelques porteurs ont déjà chargé nos bagages sur le toit.
Tout cela avec un
jour d’avance car une grève générale est prévue
pour le lendemain
et Sunar
ne veut prendre aucun risque.
Nous partons donc à 7 h 15 en prenant
les petites rues de Katmandou déjà
remplies de monde.
La
conduite au Népal est simple. Tout au klaxon
et les piétons, cyclistes,
voitures s’écartent.
Nous sortons de l’agglomération et nous nous
arrêtons
à un point de vue avant
de plonger dans la vallée. La conduite
devient terrifiante pour nous et le klaxon devient langage. Deux petits coups
pour dire j’arrive ou je double, un coup en réponse veut dire d’accord.
S’il
n’y a pas ce dernier, on passe
en force avec la main sur l’avertisseur
sonore.
On double partout, dans les virages, sur
la ligne blanche etc…
celui
qui vient en face est parfois obligé de s’arrêter et ça passe
au
centimètre près. On passe plusieurs péages (limite de district)
et à
certains, les népalais sont obligés
de descendre des véhicules
et de passer
devant une table avec des militaires fouillant les sacs.
Il faut dire que
beaucoup d’entre eux se déplacent en autocar.
La situation est particulière
puisque
la guérilla meurtrière avec les maoïstes
est de plus en plus
fréquente d’où
ces contrôles.
En plus des transports en commun,
il y a les fameux camions
" tata " superbement décorés.
Ils roulent
à la vitesse
maximum de 40 km / h. Beaucoup d’animations pendant
ce voyage, nous prenons en
chemin Monsieur " Santos ", le père
du maire de
Laprak : un petit monsieur courbé tenant à la main un bâton, souriant et
alerte. Christian nous raconte que 2 ans auparavant,
il était condamné à ne
plus marcher suite à une maladie… Par la suite nous l’avons vu marcher
comme
" un népalais ". Nous rencontrons aussi
des femmes
transportant du bois, cassant des cailloux avec des enfants.
Notre premier repas local et aussi notre premier
" daal bhat ", le plat national, est pris
en cours de route à 11H00 à Mugling. L’arrivée à Gorkha se fait à
13H30.
Notre trek commence vraiment !
Les porteurs sont là et avec une efficacité remarquable embarquent
nos lourds bagages. Dès que nous nous éloignons de la ville,
nous échangeons des " namasté " que nous prononcerons des centaines
de fois au cours d’une journée. Nous traversons les premiers
villages, admirons les champs en terrasse qui caractérisent si bien
le Népal.
Les paysans sont dans les champs : hommes, femmes, enfants ; ils
labourent
le moindre lopin de terre, tout se fait à la main, parfois avec un
ou deux zébus et une herse. Que les paysages sont magnifiques ! Les
femmes sont belles avec leurs vêtements colorés (du rouge avec du
rose / du rouge avec du bleu…). Les enfants accourent pieds nus en
nous apercevant
et nous déversent des pluies de " Namasté ". Que de sourires !
Que d’émotions ! Je me rends compte à quel point la différence
(culturelle, paysages…) est fantastique, enrichissante et qu’il est
essentiel
de la préserver, de la défendre. L’uniformisation que veulent nous
imposer
les dominants (l’occidentalisation) est révoltante. Que les népalais
sachent garder leur culture / leur valeur / leur mode de vie… Plus
de partage
des richesses, d’équité entre le nord et le sud leur permettraient
d’accéder
à l’éducation, à la santé, droits fondamentaux. (sentiment ressenti
ce jour
là par Françoise).
Nous descendons 600 m de dénivelé. Nous croisons les habitants ou
ceux-ci nous dépassent avec beaucoup d’agilité.
Après 4 heures de marche, nous arrivons à notre campement situé à
côté d’un village au milieu des rizières et d’un cours d’eau. Tout
est prêt :
les tentes
sont montées, nos bagages sont déjà là. Les enfants du village viennent nous rejoindre. Daniel déplie sa carte et les enfants l’entourent.
Il leur montre où nous sommes et notre itinéraire jusqu’à Laprak.
Ils sont
ravis.
Notre première soirée en bivouac n’a été que légèreté dans nos
discussions / de fous rire (pour le groupe : rappelez-vous les sujets
sur
la constipation / réflexologie…).
Un point sérieux, nous avons découvert
des lucioles.
Nous rejoignons notre couchage un peu fatigués. Aujourd’hui la marche a été
une mise en jambes, demain commence le vrai trek.
Françoise et Daniel
Mardi 2 avril
Réveil, 6 heures, par une troupe de
népalais babillant " Namasté ".
Ils apportent le thé
brûlant en ouvrant la fermeture-éclair de notre abri. Nous allons nous
habituer à ces levers accompagnés, mais pour l’instant que faire de ce thé
dans la tente… il brûle ! Suit une cuvette d’eau chaude pour la
toilette, pas facile
de la faire dans cet espace exiguë
et dehors,
il y a du monde
tout autour. Françoise se met à genou pour se passer
le gant et moi ; à
l’entrée, il faut s’organiser. Après rangement de nos gros sacs à
destination des porteurs, rendez-vous sous la tente commune
pour le
petit-déjeuner : nos accompagnateurs attentionnés présentent
trois
énormes bouilloires de thé, lait, eau… Bien installés sur nos pliants,
certains bien vifs déjà,
les autres moins ! , nous savourons des toasts
grillés, du beurre-qu’on-nomme-rance , mais c’est à tort car lorsqu’il
est légèrement tartiné sur le pain, il ne laisse qu’un goût gras, des
confitures,
des céréales avec " milk et sukker "une fine
omelette servie sur un toast, qui n’a pas l’air du goût d’Alain… Tout
cela déposé sur la plastique-nappe bleue.
En peu de temps, tout est rangé ficelé, placé sur les dos qui ont l’air
de
se voûter depuis des siècles pour recevoir cette charge dans des paniers
arrimés au front par des sangles : " les dokos ".
En route.
Nous suivons en effet une " route ", c’est plutôt un
chemin forestier qui longe et surplombe la rivière... Soudain, Sunar nous
stoppe :
en bas, il se prépare quelque chose : un attroupement d’hommes
assez silencieux devant
un agencement de branchages d’où émerge un tissu
bleu : la tête du mort : c’est une crémation qui se prépare au
bord de la rivière parmi les galets, un mince filet de fumée s ‘élève…
Nous nous éloignons
pour ne pas être indiscrets.
Le chemin devient plus escarpé,
nous sommes
à 5m du bas. Cathy ne peut plus
avancer, elle a le vertige, et nous l’aidons ; plus tard, nous longerons
des précipices bien plus importants
et elle courra comme un lapin…
Nous
traversons des villages, des rizières, petites langues de terre vert
fluorescent, bien ouvragées, ourlées de leur bourrelet de terre noire,
ou
serpente un savant écoulement d’eau ; dans certaines,
les femmes font
des bouquets de plants qui seront repiqués dans d’autres.
La campagne est
très habitée : des gens portent sur les chemins, partout raisonnent les
cris des enfants, les cris des coqs dès 7h30-8h du matin,
et même dans les
endroits les plus agricoles,
les magnifiques saris
des femmes jaillissent çà
et là : taches de couleur rose indien, rouge pourpre, rouge foncé… Que
serait
le paysage, les villages, sans ces femmes, somptueusement parées…
Puissent-elles longtemps résister à la modernité
du costume, l’uniformité
des jeans et garder leurs traditions chatoyantes. (Dans ma valise, au retour,
il y aura beaucoup
de tissus indiens, de la soie, un sari… !)
On continue… Halte dans un village sous un bel arbre au frais ombrage
(châtaignier ?) Nous attendons les autres… " Tiens, dit Sunar,
de la marijuana ! " Il envoie cueillir une tige vert
tendre aux feuilles très découpées et très odorantes… ! Une
demi-heure d’attente déjà…
Que font-ils à l’arrière ? Bientôt
Guillaume arrive en courant, rouge
et haletant.
" Il faut envoyer
Hélène pour soigner un enfant ! … ", mais, Hélène,
notre infirmière suisse, est fatiguée. Ce sera Daniel
qui ramena
le groupe, l’enfant
et la mère. Je reconnaissais celui que j’avais vu sur
le chemin avec une joue
enflée et abîmée et qui m’avait paru avoir reçu
un début
de soins. S’en suit une
polémique qui durera une heure :"on ne peut pas le laisser comme cela, il va perdre son œil ". Hélène ne peut pas
grand chose car
le coton est très incrusté dans la joue. Faut-il
soigner ?
Il a de la fièvre,
les ganglions enflés. Finalement Hélène
applique une compresse antiseptique et
le groupe redémarre, non sans avoir
été sollicité ensuite par une mère " dont-le-petit-a-mal-au-ventre ",
le garçon d’une autre a des croûtes sur la tête…
Nous aurons encore, par
la suite,
de grandes discussions passionnées sur
le problème des soins à
apporter
ou non, des petits à transporter avec les mères vers un médecin ou
un hôpital ou non…
La route continue : dans un village, à l’abri dans une caverne, un
moulin
à eau qui devrait broyer des céréales… mais il ne tourne pas…
Bientôt
des gouttes… vite
les capes ! C’est la pluie qui tombe bientôt violemment. Tous aux
abri dans une bergerie ; sur un banc,
serrés les uns contre
les autres, " Poussez-vous
les
vaches ! " On est bien et bientôt envahis
par une grappe d’enfants…
hop ! sur les genoux ! Six yeux nous fixent
en haut des planches dans
la pénombre…
Ca sent la vache…
La pluie se calme.
Anup " Il faut
partir "… Un quart d’heure plus tard, sur le chemin,
des trombes d’eau
ruissellent de plus belle, encore une bergerie,
on se pousse les uns contre les
autres, tandis que les vaches prennent toute la place : nous sommes au
Népal…
Ce soir-là, il n’y aura pas
de bivouac, mais la sécurité d’une maison au
village pour notre sommeil… que personne ne trouvera d’ailleurs avant une
heure avancée de la nuit,
tant le fracas de l’orage sur la tôle ondulée est
grand !…
Accompagnée de Bikas pour interprète, j’achète quelques souvenirs
dans
les
boutiques. J’avise Michel qui boit de l’alcool local, assis sur les marches
du bar. Finalement, j’offre une bière (la San Miguel est très bonne au
Népal) à tout le monde, Sunar et ses deux copains s’étant joints à nous,
et nous allons déguster le régal de Sunar : du poisson fumé fortement
épicé, dans un autre troquet appelé " lodge "…
Claudine
3 avril
Après une nuit de pluie violente et d’orage
passée à dormir chez l’habitant, nous nous préparons à une dure journée
de montée par un petit déjeuner consistant : œufs sur des toasts et
bouillie à base de lait et de céréales.
Le beau temps est par bonheur au
rendez-vous. Chacun essaie
de rassembler ses affaires et ses sacs tous entassés
dans une seule pièce, celle qui a servi de dortoir.
Voilà tout le monde est prêt.
Nous partons.
Nous longeons le lit de la
rivière asséchée pendant environ 40 mn et nous arrivons à un petit village
qui est juste de l’autre côté d’un de ces fameux ponts
suspendus qui bouge quand on passe dessus ! Après avoir traversé
ce pont
et s’être rendu compte qu’on était toujours en vie…, nous faisons une
petite pause dans le village. Bikas, la star et l’artiste de
l’équipe,
nous
fait un petit numéro en jonglant avec des œufs.
Cette fois c’est du sérieux. Nous entamons une montée
" grave ".
Nous montons encore et encore, toute la matinée,
et, ouf, comme
par miracle, nos charmants cuisiniers nous attendent au sommet d’un
petit village pour nous offrir de l’orangeade et nous servir le déjeuner. Il
fait beau et chaud et nous sommes heureux que cette montée se termine pour
1
heure environ. Les enfants du village sont vers nous
et nous observent. Jocelyne
les fait parler et les enregistre avec son dictaphone.
Ils sont impressionnés d’écouter
leur voix, puisque c’est certainement la 1ère fois qu’ils s’entendent
parler et chanter. Christian souhaite marier Anup ;
il lui propose toutes
les Goras célibataires en ventant la dot de chacune. Mais aucune ne remporte le
beau Anup.
Après ces quelques plaisanteries, nous enfilons à nouveau nos chaussures,
et
nous repartons pour une série
de montées en direction de Barpak.
Nous nous
débrouillons finalement assez bien puisqu’à 14 heures nous arrivons à Barpak. Le temps est nuageux,
si bien qu’on n’aperçoit pas les montagnes.
Les enfants nous entourent et nous observent. L’équipe de Sunar, nos amis
Gurungs, s’affairent à monter nos tentes dans la cour du village et à
répartir nos sacs que les porteurs viennent d’amener. Chacun s’installe et
bientôt,
la plupart se balade au centre du village.
Rajendra émet alors l’idée d’agrandir
le complexe scolaire du haut, celui
où est installé notre campement.
Le terrain appartient au village, et en
agrandissant l’existant, une part importante des matériaux pourra être
recyclée, l’idée semble bonne
et monopolisera les discussions de la
remontée et la plupart
de celles d’après. |