TREK A LAPRAK 2002 (SUITE)

 

Le groupe s’étire comme jamais. Notre retard est tel qu’on n’est plus à 20 minutes près ; Claudine voudrait acheter des bracelets, allons-y. Au premier magasin nous n’obtenons que des rires gênés de la part de la marchande.
La deuxième nous fait les bracelets 20 roupies pièce.
On continue à cahoter sur les galets, chacun cherchant la voie la plus facile. Mais qu’est ce ce truc rouge parterre ? Un porte-monnaie !
Celui de Claudine ? Eh oui, et avec tous ses sous. Grande joie quand
elle le retrouve. Enfin nous arrivons au campement alors qu’un orage
se prépare. Les cuisiniers se battent avec leur tente que le vent gonfle
un coup à droite, un coup à gauche, vers le haut… la tente salle
à manger flotte autour de ceux qui essayent de la fixer puis s’écroule
sur eux et les bagages abrités à la hâte. Mais le calme s’installe finalement autours d’un bon repas tant et si bien que nous nous couchons très tôt.
Hanne


Rencontre avec le yeti
C’est très tôt que tout le monde se lève,
Les montagnes enneigées non en grève,
Car la veille, emmitouflées dans leur manteau de brouillard,
En arrivant au col glacial nous n’avions pu les voir.

Le début de la marche du matin
Fut pris avec un grand entrain,
Car 2000 m de descente faits en courant,
Sur les marches du Népal, c’est plutôt marrant 

C’est avec un repos suffisant,
Que nous attendons les autres : 
les cuisiniers, Anup, Jocelyne, Guillaume, les  Kanchhas et moi,
Les pieds dans l’eau de la rivière d’en bas.

Puis, après avoir bu le thé,
Le ventre bien tendu d’avoir mangé,
Nous avons du nous abriter chez l’épicier,
De grosses gouttes d’eau ayant l’intention de nous arroser !

Certes, les bâches bleues à quelques endroits étaient trouées,
Mais nous étions bien heureux d’avoir un peu d’imperméabilité.
Puis, l’arrosage quasiment fini,
Une petite partie du groupe repartit.

Les supers ponts traversés,
Les rizières avec leurs femmes multicolores admirées,
Nous arrivons, les tentes à peine installées :
C’est là que le yeti a éternué.

Certains tiraient sur les fils de notre abri arrachés à l’extérieur
Comme des professionnels du catamaran,
Les autres soutenaient les poteaux dedans,
Là où il n’y avait plus que de rires que de frayeurs.

Puis cette lutte inutile contre ce monstre, nous abandonnons,
Abattant la grosse tente verte sur nos provisions.
Et ensuite le rhume du yeti terminé,
Le second groupe est alors arrivé.

Enfin le calme revenu,
Nous mangeons un bon menu.
Et après une courte veillée,
Tout le monde va se coucher.
Anaïs

9 Avril
Vers 07h30, nous quittons notre campement de Dudeni, après une nuit passée dans une atmosphère tiède et humide. C’est la conséquence
des fortes pluies de la veille au soir. Nous longeons le cours de la Daraundi Khola en traversant les villages implantés au milieu des rizières.
Nous y découvrons des scènes bibliques. Les hommes labourant les rizières avec des petits bœufs noirs, réagissant instantanément à la voix de leur maître. Les femmes repiquant des plants de riz et revêtues de tissus
aux couleurs rouge vif ou rose Tirien qui s’harmonisent à merveille
avec le vert tendre de la végétation.
La vie dans ces villages nous semble calme et paisible, moins rude
qu’en terre Gurung, sans doute à cause de l’altitude moins élevée
et du climat plus clément. Nous sommes surpris par le nombre de " petits commerces ", genre mercerie-épicerie, que ces villages possèdent.
Des maître -tailleurs exercent leur profession à l’aide de machines à coudre
à pédales qu’utilisaient autrefois nos grands-mères. Des pêcheurs réparent leurs filets pour la pêche dans la rivière toute proche. Les femmes préparent les repas sur des fourneaux à bois, en terre cuite, placés à l’extérieur
de leur maison. Un système astucieux d’évacuation des fumées est utilisé, grâce à un petit trou qui régule le tirage. La première pause, face
et à l’ombre des bananiers est la bienvenue. Là, on peut se rendre compte de la valeur de l’eau et de l’ombre. Comme toujours et partout,
des pyramides d’enfants nous observent de la tête aux pieds en scrutant nos moindres gestes. Nous voici repartis, bâtons en main pour certains,
et nous prenons un peu d’altitude. Nous surplombons ainsi les rizières.
Leur découpe nous fait penser à un puzzle géant en camaïeu d’ombre
et de lumière. C’est magnifique. Dans la traversée d’un village, nous avons l’heureuse surprise de revoir avec sa maman le jeune garçon, soigné
par Hélène à l’aller. En sept jours, la guérison a été fulgurante. La mère
a bien suivi les recommandations du corps médical ! C’est pour notre douce infirmière un très grand plaisir que de constater une telle amélioration.
Nous faisons halte dans un bistrot tout proche du lieu du déjeuner.
Des bières et cocas sont offerts par la maison Jean-Paul d’Orléans !
Notre menu se compose d’une salade de carottes et de choux, petites saucisses grillées et riz, beignets. Le tout arrosé de bière pour ceux
qui le désirent. Nous retrouvons notre élément quotidien : la rocaille.
Le passage d’un tracteur donne envie à Georgette et à Jocelyne de faire
du stop ! Je ne sais pas si cela leur a facilité la digestion ! La traversée
de petites forêts, où cohabitent des arbres aux essences et feuillages différents, nous font penser (avec de l’imagination… !) à notre petit groupe. Nous y sommes tous bien différents par notre âge, notre allure,
notre situation, notre métier, et pourtant si unis dans l’effort et par notre objectif. Vers 14heures 30, nous sommes au pied de la tant redoutée montée vers Gorka. Nous la connaissions pour l’avoir descendue à l’aller. L’ascension est lente et éprouvante, chacun la fait à son rythme.
A mi-parcours, la pluie nous surprend. Heureusement un bistrot
est là pour nous abriter et nous rafraîchir. Les plus courageux reprennent l’ascension, les autres restent en compagnie de leur bouteille.
Presque arrivés au sommet, nous pouvons apercevoir nos tentes vertes, bien alignées, et entendre les encouragements des premiers arrivés.
Le moral reprend le dessus. Le pas est moins lourd. Un farceur fait courir
le bruit que Christian a continué seul sur Gorkha, n’ayant pas vu le bon chemin. Sunar, inquiet, se lance à sa recherche, mais se rend bien vite compte de la supercherie, malgré la collaboration active d’Anup dans cette farce. Après le goûter habituel, la relaxation et les commentaires habituels de l’étape, nous nous dirigeons vers notre tente salle-à-manger.
Les porteurs sont là, avec nous, sous le même toit de toile, serrés les uns contre les autres, car il pleut dehors. Leur présence est chaleureuse.
Leurs yeux brillent de plaisir et les sourires nous laissent découvrir des dents éclatantes. Grâce à Anup qui traduit nos questions et leurs réponses,
nous en savons un peu plus sur leur vie en dehors des treks.
La plupart sont cultivateurs et possèdent quelques lopins de terre.
Nous aimons leur spontanéité à applaudir avec nous, lorsque nous
les félicitons pour leur courage et leur collaboration. Ces porteurs méritent tout notre respect et notre gratitude, car sans des hommes de cette trempe, aucun trek n’est possible, donc aucune action à Laprak, malgré
tous nos efforts. Je pense qu’à l’avenir, nous devrions nous montrer
plus généreux dans le calcul de leur salaire : ceci est notre point de vue personnel. Après ces échanges, un repas réconfortant nous est servi
et qui se termine par un magnifique gâteau d’anniversaire, énorme, épais
et bien coloré. Hélène est née un 9 Avril en Helvétie, à Schaffhouse,
pour notre plus grand bonheur. Après la dégustation, chacun donne
ses réflexions, ses impressions sur ce trek et ses suggestions pour pouvoir financer la construction ou l’extension de l’école de Laprak.
Cathy se propose d’organiser un loto dans le Haut-Doubs. C’est un peu
le sport national et dominical du " plateau  de Maiche ", d’après elle.
Nos corps fatigués nous incitent à regagner les tentes pour faire une bonne nuit réparatrice.
Bernard et Hélène

10 avril
J’ai oublié le jour de la semaine, d’ailleurs, ni le moment ni l’endroit
ne se prête à décortiquer ce sujet.
Aux aurores la voûte céleste aux milliers d’étoiles peuple encore mon esprit lorsqu’une petite voix claire lance " bonjour… tea ". Je réalise que le dernier réveil en bivouac vient nous extirper de nos tentes plantées en aval
de Gorkha. Nos visages ébouriffés se glissent dans le paysage, toisent l’horizon pour, encore une fois frotter le regard sur le massif de l’Everest.
Il fait doux et les enfants d’habitations voisines déambulent déjà.
Sitôt le p’tit dèj’ avalé, les lots de vêtements, que nous laissons,
sont distribués à toute l’équipe de Sunar. L’étoile dans l’œil, chacun d’eux mérite nos applaudissements, et bien mieux que cela.
Pour la dernière fois, Versailles et Trianon disparaissent du paysage.
Nos semelles foulent les dernières marches stratifiées, nos pieds se heurtent aux derniers sentiers rocailleux et argileux, nos regards s’agrippent
aux habitants de cette contrée : eux si riches aux pieds nus, nous si vides aux gros godillots. A l’entrée de la cité se dresse une échoppe stylisée, d’une beauté touristique, une pause nous permet de retrouver  San Miguel, ou Coca, selon les goûts. Chassant le coup de " blues " aux premiers passages de pétrolettes polluantes et des coups de klaxons intempestifs, nous écumons l’avenue à la recherche d’un régime de bananes ou de soies chatoyantes. Ici, une vache se délecte d’un tas de détritus, là-bas,
un cireur de chaussures n’en finit pas de frotter.
Et bien sûr, nous ne pouvons éviter ce vieux bus coiffé de nos bagages
et nous avalant pour mieux dévaler la vallée où il se glisse à présent à coup de " pouêt ! pouêt ! " incessants. Dans les descentes chaotiques, il prend son élan, flirte avec le vide, serre les courbes à contresens, se jette entre deux camions au mm prés, met les gaz pour s’élancer dans une montée.
De temps en temps des sons métalliques proviennent du dessous de caisse ; dans ce contexte, pas de panique, tout va bien. Dans ce cas, il demeure plus attrayant de scruter les méandres de la rivière qui dessinent la vallée. De galets en rocailles, elle promène des NAMASTE et des SOURIRES juvéniles. Ici le panier accroché au filin d’acier permet le passage d’une rive à l’autre, là-bas une petite plage de sable gris argent nous appelle.
Dans l’étroit couloir du bus, Jocelyne se déhanche au rythme d’un " tube " népalais, trompant notre angoisse lorsqu’un éboulement entrave notre route.
Un petit creux, dans un méandre de rivière, un emplacement ombragé
et le déjeuner est savouré avant d’aller se tremper les pieds dans quelques centimètres d’eau. Guillaume, plus téméraire, enfile son maillot et se lance dans une eau chargée de limons. Tous profitent encore de ces quelques moments paisibles pour échanger impressions, regrets, projets, illusions, adresses et téléphones, ou simplement se détendre avant le saut dans
la cohue citadine. Nous poursuivons notre route, toujours aussi chaotique. Des adolescents profitent de ralentissements ou d’arrêts intempestifs
pour nous assaillir à coup de concombres, ou de papayes tronçonnés. – Bientôt un halo de brume nous laisse deviner Katmandu à proximité. Effectivement, des maisons inachevées se succèdent, des baraquements accolés les uns aux autres nous laissent penser aux échoppes en quête
de clients. A l’entrée de l’agglomération, les porteurs achèvent leur parcours en notre compagnie. Ils nous saluent chaleureusement. Notre équipée népalaise s’effiloche insensiblement. Plus le temps se déroule,
plus nous nous sentons fragiles à cette séparation. A notre arrivée à l’hôtel, nos sacs semblent désolés dans le grand hall. Surmontant les émotions,
le sourire aux dents, nous nous glissons dans nos chambres vers une douche qui nous lave de cette poussière jaune qui sent bon Laprak.
Après tant de pas empressés, lourds, légers, gracieux, rageurs, et même désespérés, nous nous sentons un peu ridicules dans ce grand hôtel
où le dîner sera servi sans tambours ni trompettes.
La nuit aura peut-être un goût nostalgique mais Durbar Square by night reste un lieu magique qui ranime nos rêves.
Georgette

11 avril 
Avertissement : en ce qui concerne les détails précis de la visite touristique officielle, vous êtes priés de vous référer aux nombreux guides édités.
Je n’ai pas la prétention de les remplacer. Je vous ferai uniquement part ici de mes souvenirs, impressions, commentaires personnels. Je décline toute responsabilité dans le cas où quelqu’un se perdrait dans les dédales
de Baktapur, Bodnath, Pashupatinath, les trois sites que nous avons
(je crois) visités, en voulant suivre mes indications.
Après une nuit d’enfer dans des draps propres, avec une peau décapée,
des cheveux soyeux, l’aube pointe son nez lumineux au-dessus de l’Hôtel Harati de Katmandou. Oubliée l’arrivée tonitruante dans la capitale népalaise s’ébrouant frénétiquement dans la poussière et la pollution colorée, fondues dans la nuit les courbatures de l’interminable descente finale, enfuie
la trouille bleue dans le bus slalomant à grands coups de volant
et de klaxons. Il est 7h50. Tout le monde est pimpant autour d’un petit déjeuner copieux. On ne se reconnaît plus, tellement on est beau.
Les femmes balayent l’assemblée de leurs tendres yeux maquillés.
Les hommes sentent bon le sable chaud de leur lotion après-rasage.
On est prêt à affronter les rues et les palais de Katmandou, se confronter aux singes et aux autres touristes, s’émerveiller devant ces beautés tant vantées. Pendant ce temps, Christian, Alain, Sunar, Anup, Suk
se coltineront une réunion : vérification des comptes de l’Association
avec le " Comité des Amis de Laprak "… Ils devaient être huit. Mais Christian nous avoua le soir que …personne ne se présenta. Il fut très étonné
et encore plus déçu. Le travail se fit sans eux. 8 heures : on s’agite
dans le hall. Un petit bonhomme à moustache, coiffé d’un topi clair,
d’un ensemble veste longue pantalon assortis nous attend :
c’est notre guide Taka. Tenue très correcte, sourire impeccable.
On retrouve le chauffeur de bus de l’aller à Gorkha , que l’on avait apprécié pour sa douceur dans la manipulation du volant et du klaxon, comparée
à celle ,complètement échevelée de celui du retour. Nous voilà partis,
13 touristes impatients qui cahotent dans le bus (moins Cathy qui se la joue solo parce qu’elle connaît déjà la visite alors elle
 en profite pour faire des tonnes de courses).
La circulation est beaucoup plus fluide que hier soir. Notre guide nous dit que c’est toujours comme ça. Comme la nature ici finalement : le matin tout est calme, le soleil brille, puis vers le milieu de l'après-midi ça commence
à se gâter, le vent se lève, les arbres s’agitent, les gens aussi, l’orage gronde, le trafic de voitures s’affole…On passe au-dessus de la rivière Bisnumati. On croise de magnifiques camions très décorés (les " tata " marque BMW) Les panneaux publicitaires Coca Cola sont omniprésents,
dans les rues, devant les vitrines, symboles de l’envahissement croissant
de l’Amérique, phénomène qui rend " fous furieux " les Maoïstes très actifs ici. D’ailleurs une usine du même nom fut détruite l’année précédente.

Discussions avec le guide. Claudine, toujours intarissable, pose
des questions, je surenchère. Le guide est très complaisant et répond
avec grâce. On aborde des sujets très variés, en particulier celui
de la drogue. Taka nous dit que la période des hippies est résolument révolue, la vente de cannabis, que l’on trouve pourtant très très facilement dans la campagne, en principe réglementée. C’est à cette occasion
que notre guide nous expliqua ce que veut dire exactement " Baba Cool "
Au départ le " Baba Cool " était un yogi, c’est-à-dire un ascète en quête
de Nirvana. Il fumait un peu la Marijuana pour ses effets d’inhibiteur sexuel et cultiver un état " zen " (De même les sorciers indiens en Amérique fumaient le peyolt pour entrer en transe et en communication
avec les esprits ainsi que le célèbre ethnologue Castaneda nous le rapporte dans ses œuvres passionnantes) Baba au départ voulait dire en Inde
" qui quitte leur maison pour se consacrer à la religion ", cool a gardé son sens de " zen "… Mais les hippies débarquant à Katmandou dans les années 70 tentèrent d’utiliser cette drogue à des fins plus ou moins louables.
La perversion du principe initial s’installa. Le mot Baba Cool s’est déformé
et a perdu sa signification initiale. (Christian si je dis des bêtises,
tu corriges, OK ?) Nous commençons la visite par Bodnath, quartier religieux où nous pourrons admirer un superbe Stupa. On croise un énorme Bouddha coloré. Notre guide nous dit en riant qu’aujourd’hui Bouddha est très
à la mode et que ça rapporte bien. Les Américains adorent ça.(et pas seulement eux, de toute évidence) A peine arrivés sur le site nous sommes harcelés par les vendeurs à la criée, enfants de tous âges, filles comme
les garçons, qui veulent nous fourguer des objets de rituels religieux,
des colliers, des statuettes… Il faut marchander et je me surprendrai grandement à finalement entrer dans le jeu et prendre du plaisir à faire baisser les prix. Je ne me serais jamais cru capable de ce genre
de commerce… Mais ça fait partie du voyage. On croise des moines drapés de rouge et de jaune. Notre guide nous apprend que des filles peuvent aussi être moine car la tradition veut que le deuxième enfant de chaque famille
se consacre pendant au moins un an aux études bouddhistes en faisant
une retraite dans un monastère. Ce peut donc être une femme. Ensuite
ils décident ou non de continuer dans cette voie.
Nous en visitons un sur une place où des stèles jonchent le sol en mémoire de certains morts. Des singes en liberté font des galipettes sur le nez
des Bouddhas et narguent les passants. De nombreuses boutiques attirent nos regards, masques, objets insolites, des trucs et des machins attrape-touristes qui doivent faire des cadeaux. Mais pas le temps. On est là pour s’instruire et non pas pour se ruiner. Après avoir fait tourner les moulins
à prière dans le bon sens en priant les Dieux d’exaucer tous nos vœux même ceux qu’on n’a pas faits, un gong prolongé et profond appelle à la prière dans le temple adjacent à la place. On s’y précipite en quête d’exotisme
et d’insolite. Un chant sonore de trompettes alternant avec un chœur masculin très vibrant nous incite subitement au recueillement malgré quelques agitations pour tenter d’apercevoir sur le pas de la porte les moines en prière. C’est comme dans les films : "Little Bouddha", "7 ans
au Tibet", "Kundun". Les sonorités graves pour les voix, percutantes
pour les trompettes, la danse cuivrée des notes sortant de cette espèce d’immense cymbale, les rythmes lancinants, les balancements imperceptibles des moines méditants, tout cela résonne dans cet espace coloré
et dans mon ventre, et m’emplit d’une étrange émotion, de celle qui passe quand je rencontre un monde totalement étranger à mes habitudes.
Ce rituel est suivi jusqu’à midi, moment de pause pour le repas,
puis les moines reprennent leur activité à 13 heures jusqu’à 17 heures.
Et ce, pendant plusieurs jours de la semaine.
On peut dire qu’ils se consacrent à la prière, non ? Petite pause pour nous aussi, mais consacrée à l’achat de pellicules photo, eau, babioles…
Nous sautons à nouveau dans le bus après avoir réussi à distancer
les vendeurs. Il est 11 heures. Nous nous dirigeons vers BHAKTAPUR (traduction = la ville des dévots), lieu le plus visité de la vallée
de Katmandou. Nous passons devant le temple bouddhique
de Swayambhunath qui veut dire " le Dieu qui est sorti tout seul ", Stupa
le plus vieux du Népal. Il a été édifié il y a 2000 ans à l’époque où la vallée de Katmandou était occupée par un lac.
A cet endroit brûlait une flamme que l’Empereur de l’époque identifia comme
un Dieu qui sortait de la terre… (voir le guide pour la suite qui est longue mais fort intéressante, ou se rendre sur place !)On nous apprend aussi qu’il existe 3 sortes de temples de trois styles différents (ogive, pagode
et stupa) Ce qui est intéressant à savoir c’est qu’ici, l’Hindouisme
et le Bouddhisme se mêlent harmonieusement, chacun pouvant aller prier dans le temple de l’autre. Les drapeaux de prières flottent dans
le vent, purifiant l’atmosphère et envoyant au ciel toutes les prières
et bonnes intentions pour le bonheur futur des croyants.
Suit une explication sur le Nirvana, notion très souvent réduite à sa portion congrue par des Occidentaux pressés d’atteindre un bonheur facile.
Mais les religions bouddhiste et hindouiste sont très complexes
et très élaborées. Un soir Anup, notre " sherpa culturel " nous avait entretenus avec inspiration de l’ésotérisme et ses méandres inaccessibles. Christian nous ayant avoué qu’il étudie ces religions depuis 10 ans déjà
et qu’il est encore loin de tout comprendre et savoir, j’en ai conclu qu’il était préférable pour mon petit cerveau lent de laisser cette connaissance à plus initié que moi. Mais je suis néanmoins très frustrée d’être tenue  définitivement à l’écart des grands secrets de la vie.
Un mot quand même sur le visage de Bouddha sur le Stupa, image qui a fait le tour du monde et du temps : les deux yeux bleus qui vous suivent partout (tel l’œil de Dieu qui harcèle notre affreux Caïn, jusque dans la tombe)
le nez, en forme de point d’interrogation (en fait c’est le chiffre 1 en calligraphie népalaise) le troisième œil au-dessus des yeux et …
pas de " bousse " (c’est ainsi que notre guide prononçait d’une façon
si charmante le mot " bouche " avec un cheveu sur la langue) Donc notre Bouddha est représenté ainsi parce qu’il voit tout, il sait tout mais il ne dit rien, car c’est à chacun de comprendre le monde à sa façon. Belle leçon
de liberté et de tolérance.
J’ai beaucoup aimé aussi ce principe de la religion Bouddhiste et qui est symbolisé par une main dont le pouce est tourné vers le ciel, l’index pointé vers l’avant, et les trois autres doigts tournés vers soi-même..
En voici l’interprétation livrée à notre réflexion par notre guide,
avec son accent incomparable : il ne faut pas montrer les autres du doigt (c’est-à-dire ne pas juger les autres) parce si un doigt est pointé vers l’autre 3 sont pointés vers soi-même, et ainsi nous serons jugés nous-même trois fois. Alors pas de Paradis (pouce tourné vers le ciel)…Il ressemble fort à la parabole de la paille et de la poutre de notre Bible
"Plutôt que de montrer la paille qui est dans l’œil de ton voisin tu  ferais mieux de t’occuper de la poutre qui est dans le tien " Autre rapprochement possible avec notre religion chrétienne : " Ne juge pas si tu ne veux pas être jugé " ou "  Tu seras jugé à l’aune de ton jugement des autres 
" etc… Encore un magnifique rappel de la notion d’humilité, indulgence, respect de l’autre …Bien sûr reste à savoir si dans la réalité quotidienne
ces préceptes s’appliquent spontanément ou s’ils restent " lettres mortes "
Durbar Squar, la place la plus importante de Bhaktapur. Impossible
de traverser ces lieux sacrés sans que soient évoqués les 3 Dieux principaux de l’Hindouïsme: Brahma le créateur, Vishnu le nourricier, Shiva le destructeur. Les temples sont consacrés aux deux derniers, Brahma n’en ayant pas. Pour plus de renseignements sur l’histoire des Dieux qui est vraiment passionnante mettre le nez dans les livres concernés.
Ca vaut le détour. Ou alors téléphoner à Christian qui commence malgré
ses dires à en savoir beaucoup.En bons touristes bien guidés
nous tournerons, dubitatifs, admiratifs ou franchement rigolards autour
de plusieurs temples fameux : Temple des éléphants érotiques référence
au Kama-sutra qui fait haleter certains occidentaux mais la plupart du temps ceux-ci n’ont strictement rien compris à la philosophie Hindouiste et s’en balancent d’autant (pour ne rien vous cacher j’ai préféré les masques hauts en couleurs de la boutique d’en face…désolée de vous décevoir) Statue
de Kali, la femme de Shiva qui a plus de 18 bras (une déesse guerrière
en somme ?) sculptée dans un seul bloc de pierre (comme certains
de nos antiques artistes, celui qui réalisa cette œuvre magnifique se vit " récompensé " par la perte de ses mains qui furent coupées afin qu’il
ne reproduise pas ailleurs cette merveille ! C’est ce qu’on appelle une œuvre unique !) Temple de Siddhi Lakshmi dont les marches de pierres sont flanquées de sculptures d’animaux de toute sorte. Temple de Shiva remarquable pour ses nombreuses sculptures érotiques (again !) A ce propos notre guide nous explique le pot aux roses. A l’époque où les religions Hindouistes et Bouddhistes ont commencé à prendre un essor irrépressible (c’était en …heu…il y a longtemps) le souverain de l’époque commença
à être inquiet pour la survie de son pays. En effet, une des bases de leurs pratiques est de chercher à supprimer tous les désirs, principale origine
de la souffrance, pour pouvoir atteindre le Paradis, voire plus tard,
le Nirvana. Seulement si tout le monde devient chaste, se disait ce futé souverain, qui va faire des enfants ?
Qui va perpétrer notre peuple ? Il y a péril en la demeure. Alors il imagina
de faire sculpter ces figures en positions très évocatrices sur les murs
des temples pour donner des idées (on pourrait même aller jusqu’à dire
des envies) aux pratiquants qui venaient y méditer quotidiennement.
Ainsi, rentrant chez eux après l’office, ils auraient envie de faire l’amour,
et alors d’autres bébés pourraient naître. Le royaume serait ainsi sauvé…. Parole de guide. Le palais de Kumari où il est interdit de prendre des photos. Quand nous sommes arrivés, deux chèvres transies et blotties
dans un recoin de la cour intérieur bêlaient à fendre l’âme.
Elles étaient prêtes pour le sacrifice. Cette pratique sanglante existe depuis longtemps, elle a heureusement évolué. Ici on ne sacrifie plus des humains depuis seulement...150 ans. Le statut de la femme a aussi évolué. Autrefois quand un homme mourait, sa femme devait …se jeter sur son bûcher,
toute vivante… Glups. Maintenant elle se contente de porter le deuil jusqu’à la fin de sa vie et je crois même qu’elle ne peut plus se marier ou doit épouser le frère. Une Kumari est une déesse vivante. Il y a 3 Kumaris
dans la vallée de Katmandou. Une Kumari est une femme qui est née
dans une famille Bouddhiste Newar mais qui devient une Déesse Hindoue. C’est le deuxième enfant de la famille. Elle se consacre au temple
jusqu’à ce qu’elle ait ses premières règles. Alors " elle est virée du temple " (parole de guide) Cette règle est plus ou moins stricte actuellement selon les lieux (pour plus de renseignements voir Christian qui a lu un bouquin là-dessus, je l’ai vu dans l’avion !) Quelque part plus loin, la salle de bain
(un bassin verdâtre actuellement) où le Roi venait batifoler avec ses …55 femmes. Bonjour l’ambiance ! Une autre place : Taumadhi Tole, un autre temple : Nyatapola, celui qui fait 30m de haut, le plus élevé de la vallée,
qui a résisté au tremblement de terre de 1934 les fondations étant
très profondes (30 m aussi) L’escalier est flanqué de sculptures en pierre dont les célèbres lions. On peut entendre des petites cloches suspendues
le long des linteaux tinter sous le vent. C’est là que le film
" Little Bouddha " a été tourné. Les estomacs commencent à chanter.
Le vent se lève, la poussière tourbillonne dans les rues où les passants commencent à s’agiter aussi. On croise des porteurs de légumes avec leur fléau en équilibre sur les épaules, des " vélos boutique " chargés de fruits
et de légumes, Bhaktapur étant le coin où ces denrées sont les meilleures, d’autres vendeurs assis à même le sol épluchent des carottes
avec une serpe. Nous traversons des rues très colorées. Le dépaysement est enchanteur, malgré la dominante de pauvreté. Mais pour un touriste, voyant les choses de l’extérieur, même la pauvreté peut prendre un accent pittoresque. Il est 12H30. On prend quand même le temps d’aller admirer
le quartier des artisans du bois qui travaillent cette matière avec un art délicat, on aura même le loisir d’entrer dans un atelier et faire quelques achats (j’y trouverai un petit Ganesh malicieux qui me fait des clins d’œil dans notre salon maintenant, Bernard et Hélène emporteront d’autres pièces non moins magnifiques) le quartier des potiers où l’un d’eux n’accepte
de faire une démonstration que si on le paye.
Le repas de midi aura lieu sur une terrasse surélevée dominant la place. Superbe. On nous sert le Dal bhaat traditionnel. Good ! J’en profite pour oublier mon étui d’appareil photo …qui me sera gracieusement rendu
à l’aéroport par des français qui mangeaient au même restaurant.
Pour la digestion, et tandis que le ciel s’assombrit de plus en plus, nous irons " voyeuriser " une crémation à Pashupatinath (5 km de Bhaktapur)
Un barrage oblige encore une fois le car à stopper. Contrôle des Népalais, présence des Maoïstes sur le territoire oblige. En fait, les " flics " ( ?)
se contentent de faire descendre tous les Népalais du car. Celui-ci poursuit sa route avec les touristes un peu inquiets et s’arrête un peu plus loin.
Là les passagers " suspects " remontent à bord sans avoir été pour
le moins du monde contrôlés. Bizarre. A l’arrivée au site nous n’échappons pas au harcèlement des vendeurs. Ils n’hésiteront pas au retour à grimper dans le bus et s’accrocher à nos basques (la plupart parlent Français-Anglais) Nous voici au Temple de Pashupatinath l’un des principaux temples de Shiva. Shiva, le Dieu destructeur peut se manifester de différentes manières, plus ou moins terrifiantes. Sa manifestation sous l’apparence
de Pashupati ( le maître du troupeau) est plus pacifique, il est sensé veillé sur le royaume du Népal.
Les berges de la Bagmati sont destinées à la crémation des morts.
Lieu impressionnant, où le décalage avec nos croyances et nos pratiques occidentales et chrétiennes est maximum. Ici, la mort a un sens complètement différent de celui de notre civilisation.
La mort fait vraiment partie de la vie. On meurt simplement, sur les berges de ce fleuve dans les meilleurs cas, en sachant qu’on va se réincarner
dans une autre existence. La mort n’est ni cachée ni effrayante comme sous nos cieux aseptisés. La crémation n’est pas le seul rite funéraire.
On peut aussi plus rarement enterrer, ou plus crûment dans les hautes montagnes très froides livrer aux vautours, oiseaux sacrés, le corps du mort coupé en morceaux, parce que là, il n’y a pas de bois pour faire le feu,
et la terre est trop dure à creuser.
Nous assistons à deux crémations, du haut de la colline d’en face, une dans la zone consacrée aux riches, l’autre aux pauvres. Mais le principe
est le même. Le mort, enveloppé dans un voile de couleur vive est déposé sur la base du bûcher.
C’est en principe le fils (les femmes n’assistant pas aux funérailles) qui porte
la responsabilité de la cérémonie. Torse nu, les hanches ceintes d’un voile blanc, il fait traditionnellement trois fois le tour du bûcher avec une torche allumée, puis embrase la bouche du mort sur lequel on a rajouté du bois, puis place la torche sous le bûcher. Alors une odeur très particulière envahit l’atmosphère. Et je pense subitement à d’autres corps qui ont brûlé quelque part dans notre très sombre histoire et je ressens un malaise sourd. Pourtant strictement rien de comparable, mais j’ai du mal à intégrer l’odeur. Le corps est loin, mais l’odeur touche mes narines. Touche mon esprit. Touche ma mémoire, et je suis un peu désemparée. Les commentaires
de certains vont bon train tandis que d’autres se sentent le cœur soulevé
et que la plupart sortent leur appareil photo après avoir reçu l’autorisation de notre guide. Le ciel est très noir. La pluie commence à tomber.
Je ressens un certain malaise… Nous terminons la visite sous la pluie.
Lili et moi courons nous acheter un " pébroc " pendant que les autres galopent autour d’un ultime Stupa..17 heures. Le bus nous ramène à l’hôtel. Vite, dans nos chambres pour nous faire belles et beaux, ce soir on sort,
et c’est la dernière fois. Mais notre gaîté est ternie par la tristesse soudaine d’Hélène qui vient d’apprendre que son père les a quittés pour toujours. Nous sommes soudain tout tristes nous aussi. Mais la belle convivialité
qui règne dans le groupe semble soutenir notre généreuse infirmière
qui passe quand même la soirée avec nous. Le repas s’annonce très arrosé, avec whisky, vodka, proposés… dans des bouteilles…Ca commence
à chauffer sérieux, mais tout le monde tient bien " le choc " Le repas
est excellent comme d’habitude. Quelques heures plus tard nous regagnons nos chambres sans même tituber, tandis que trois incorruptibles
(dont je tairai le nom) continueront la soirée par un Katmandou by night dont ils rentreront bien tard (ou tôt). Bonne nuit. Demain c’est le grand retour…
Jocelyne


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